20 ans après : la trahison du référendum de 2005, une fracture démocratique

20 ans après : la trahison du référendum de 2005, une fracture démocratique

Le 29 mai 2025 marque le 20e anniversaire d’un événement qui a profondément marqué la conscience politique française : le référendum du 29 mai 2005, où 54,8 % des Français ont rejeté le traité constitutionnel européen. Ce vote, expression claire de la souveraineté populaire, fut pourtant contourné par la ratification du traité de Lisbonne en 2008, adopté par le Congrès à Versailles. Cet épisode, qualifié de « déni de démocratie » par de nombreux observateurs, reste une blessure ouverte dans l’histoire politique française. À l’occasion de cet anniversaire, cet article revient sur les implications de cette trahison institutionnelle, ses racines, ses conséquences et les perspectives qu’elle ouvre pour l’avenir.

Le référendum de 2005 : une effervescence démocratique

En 2005, la campagne pour le référendum sur le traité constitutionnel européen fut un moment rare de mobilisation populaire. Comme le souligne Pierre Rougéron, président du cercle Aristote, dans une récente interview, cette période fut marquée par une « déglaciation émotionnelle ». Des citoyens de tous horizons, des militants souverainistes aux anciens activistes d’extrême gauche, se sont réunis dans une ferveur collective. Jacques Sapir, économiste et témoin de cette époque, évoque une « effervescence » rappelant les grandes mobilisations des années 1970. Les Français, dans les villes comme dans les campagnes, débattaient avec passion, heureux de reprendre la parole sur un sujet aussi fondamental que l’avenir de leur souveraineté.

Le résultat fut sans ambiguïté : 54,8 % de « non ». Ce vote n’était pas un simple rejet d’un texte juridique complexe, mais un cri de défiance envers une construction européenne perçue comme éloignée des préoccupations populaires, technocratique et ultralibérale. Comme le note Sapir, ce référendum s’inscrivait dans un contexte plus large de rupture avec la mondialisation financière et les dogmes néolibéraux, déjà mis à mal par la crise russe de 1998 et les prémices des bouleversements économiques à venir.

La trahison de 2008 : le traité de Lisbonne et le Congrès de Versailles

Malgré la clarté du verdict populaire, les élites politiques françaises et européennes ont choisi de passer outre. En 2007, le traité de Lisbonne, largement reconnu comme une reformulation du traité constitutionnel rejeté, fut signé. En 2008, il fut ratifié par le Congrès français, réunissant l’Assemblée nationale et le Sénat à Versailles. Cette décision, portée par le président Nicolas Sarkozy et soutenue par une large partie de la classe politique, fut perçue comme une forfaiture.

Pierre Rougéron ne mâche pas ses mots : « Tous ceux qui ont participé à cette trahison pourront en répondre pénalement à terme. » Il souligne que la ratification parlementaire, bien que légale en apparence, est illégitime, car elle prive le peuple de sa souveraineté. Jacques Sapir, de son côté, exprime son « étonnement » face à ce qu’il qualifie de « suicide politique » : « Ils ne peuvent pas être assez bêtes pour annuler un référendum populaire. Et pourtant, si. » Pour lui, cet acte marque une rupture majeure avec l’idée de démocratie occidentale, fondée sur le respect de la parole populaire et le pluralisme.

Les arguments avancés à l’époque pour justifier cette ratification – le traité de Lisbonne serait différent, la voie parlementaire serait tout aussi légitime, et Sarkozy avait été élu sur un programme pro-européen – sont balayés par les deux intervenants. Rougéron rappelle que des analyses textuelles, comme celle du magistrat André Bonet, ont démontré que les deux traités étaient quasi identiques. Valéry Giscard d’Estaing et Angela Merkel l’ont d’ailleurs admis publiquement. Quant à la légitimité de Sarkozy, Rougéron est catégorique : « Il n’est pas souverain. Il ne peut pas se substituer au peuple. »

Une « démocranie » : la tyrannie sous l’apparence de la démocratie

Cet épisode a révélé ce que Jacques Sapir appelle une « démocranie », un néologisme inspiré de Saint-Augustin et de Carl Schmitt, désignant une tyrannie exercée sous les apparences de la démocratie. Dans ce système, les formes démocratiques (élections, parlements) sont maintenues, mais vidées de leur substance. Le contournement du référendum de 2005 en est un exemple paradigmatique : les institutions ont trahi la volonté populaire au nom d’une prétendue nécessité européenne.

Pour Sapir, cette démocranie s’est accentuée depuis 2008, notamment avec la gestion autoritaire de la crise grecque par l’Union européenne et, en France, la répression des Gilets jaunes à partir de 2018. Pierre Rougéron va plus loin, prédisant une escalade vers une « tyrannie anomique », où le pouvoir dissout l’espace social et populaire pour mieux régner. Il évoque une « dissociété », où les citoyens, divisés par des guerres horizontales orchestrées par les élites, se retrouvent enfermés dans une cage où le tyran trône au-dessus.

Les conséquences : une fracture durable

Le contournement du référendum a creusé un fossé entre le peuple et ses élites, transformant ces dernières, selon Rougéron, en une « classe dominante » dépourvue de légitimité. Cette fracture s’est cristallisée dans des mouvements comme celui des Gilets jaunes, que Sapir qualifie de « relativement gentil » mais directement issu du déni de 2005. La demande de référendum d’initiative citoyenne (RIC), portée par les Gilets jaunes, est un écho direct de cette aspiration à restaurer la souveraineté populaire.

Rougéron, s’appuyant sur les théories populistes d’Alexandre Dorna, voit dans 2005 le début d’une « déglaciation émotionnelle » : le peuple, en prenant conscience de sa puissance, a commencé à questionner la légitimité de ses dirigeants. « Qui t’a fait roi ? », demande-t-il. Cette prise de conscience, lente mais inexorable, annonce selon lui un affrontement inévitable entre le « bas » et le « haut », d’abord froid, puis de plus en plus chaud.

Vers un tournant autoritaire ou une renaissance démocratique ?

Vingt ans après, la trahison de 2005 reste un point de bascule. Pour Jacques Sapir, il est encore possible de ramener le système vers un « espace véritablement démocratique », bien que cela semble de plus en plus difficile. Pierre Rougéron est plus pessimiste, estimant que la classe dominante, prisonnière de ses réflexes autoritaires et de sa peur de perdre le pouvoir, s’enfonce dans une logique autodestructrice. Il évoque l’émergence de figures politiques « psychologiquement limites », comme Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron, comme un symptôme de cette dégénérescence.

Pourtant, cet anniversaire est aussi une occasion de réfléchir aux moyens de restaurer la souveraineté populaire. Le référendum de 2005 a montré que les Français, lorsqu’ils sont consultés, savent se mobiliser et faire entendre leur voix. La question est désormais de savoir si cette énergie peut être canalisée vers une refondation démocratique, ou si, comme le craint Rougéron, elle mènera à des « jugements sommaires » et des « exécutions sommaires » dans un climat de violence croissante.

Le 29 mai 2005 n’était pas un simple vote, mais un moment où le peuple français a tenté de reprendre le contrôle de son destin. La trahison institutionnelle qui a suivi, avec la ratification du traité de Lisbonne, a brisé cette aspiration, ouvrant une ère de méfiance et de fracture. Vingt ans plus tard, les leçons de cet épisode restent d’une brûlante actualité : sans respect de la souveraineté populaire, la démocratie n’est qu’une coquille vide. À l’heure où les crises politiques et sociales s’intensifient, la France se trouve à un carrefour. Restaurer la légitimité démocratique ou s’enfoncer dans la « démocranie » : tel est l’enjeu des années à venir.

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