Depuis leur entrée en vigueur le 1er janvier 2025, les zones à faibles émissions (ZFE) sont au cœur d’une tempête populaire en France. Ces zones, destinées à limiter la circulation des véhicules jugés polluants dans les grandes agglomérations, ont rapidement cristallisé la colère des Français, qui y voient une mesure punitive et discriminatoire. Ce jour, mardi 29 avril 2025, l’Assemblée nationale rouvrira ce dossier brûlant pour débattre de leur suppression, un vote qui pourrait marquer une première victoire symbolique contre ce que beaucoup perçoivent comme une forme de dictature imposée par l’Union européenne.
Une révolte populaire contre les « zones à forte exclusion »
Les ZFE, instaurées sous l’égide des lois d’orientation des mobilités (2019) et Climat et Résilience (2021), visent à réduire la pollution atmosphérique, responsable de 40 000 décès prématurés par an selon Santé publique France. En interdisant les véhicules classés Crit’Air 3 à 5 dans les métropoles de plus de 150 000 habitants, elles promettaient un air plus pur. Mais dans un contexte de crise du pouvoir d’achat, elles sont devenues le symbole d’une fracture sociale, excluant des centres-villes ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter un véhicule récent ou électrique. Comme l’ironise l’écrivain Alexandre Jardin, fer de lance du mouvement des #Gueux, ces zones sont des « zones à forte exclusion » pour les travailleurs de nuit, les provinciaux, les artisans ou les forains, ces « gueux » de la République qui dépendent de leur vieille voiture pour vivre.
La grogne s’est organisée rapidement. Le collectif Stop ZFE, réunissant la Ligue de défense des conducteurs (LDC), la Fédération française des motards en colère (FFMC), les #Gueux d’Alexandre Jardin, les commerçants parisiens de la Facap et les forains, a commandé un sondage à l’IFOP. Les résultats sont sans appel : 80 % des Français souhaitent la disparition des ZFE, un rejet massif qui transcende les clivages politiques. Des manifestations ont éclaté, notamment le 6 avril 2025, avec des milliers de motards et de citoyens rassemblés à Paris et en province pour exiger l’abrogation de cette mesure jugée « antisociale ». À Paris, face à l’Hôtel de Ville, la mobilisation a pris des airs de pied de nez à la maire Anne Hidalgo, fervente défenseure des restrictions de circulation.
Un Parlement prêt à céder sous la pression populaire
Le 26 mars 2025, la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi de « simplification » a voté la suppression des ZFE, portée par des amendements des Républicains et du Rassemblement national, soutenus par des voix macronistes, Horizons, Liot et des abstentions à gauche. Ce vote, contre l’avis du gouvernement, reflète l’ampleur du mécontentement. Comme le souligne Laurent Wauquiez, patron de la Droite républicaine, chaque député sera désormais « devant ses responsabilités » pour confirmer cette suppression dans l’hémicycle le 29 avril.
Ni les macronistes, qui avaient initialement soutenu les ZFE, ni La France insoumise, qui tente de ménager ses alliés écologistes tout en surfant sur la colère populaire, ne semblent prêts à défendre bec et ongles une mesure aussi impopulaire. Le gouvernement, par la voix de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, a proposé un compromis : limiter les ZFE à Paris et Lyon. Mais pour les anti-ZFE, rien d’autre que l’abrogation totale ne sera satisfaisant. La Ligue de défense des conducteurs appelle d’ailleurs à une nouvelle manifestation le 17 mai, signe que la pression ne faiblira pas.
Une fronde contre l’Union européenne
Au-delà de la contestation nationale, la bataille autour des ZFE prend une dimension européenne. Ces zones s’inscrivent dans le cadre de la directive européenne 2008/50/CE, qui impose aux États membres de réduire les concentrations de particules fines. Supprimer les ZFE pourrait exposer la France à des sanctions de la Commission européenne, voire à une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), comme le note le constitutionnaliste Benjamin Morel. Cependant, il tempère : « Le droit européen impose de respecter des normes de qualité de l’air, mais pas nécessairement via des ZFE. D’autres pays européens ont fait des choix différents. » Cette flexibilité pourrait jouer en faveur de la France.
Pour les opposants aux ZFE, cette lutte dépasse la simple question des restrictions de circulation. Elle incarne une révolte contre une Union européenne perçue comme déconnectée, imposant des normes écologiques sans tenir compte des réalités sociales des États membres. Alexandre Jardin, dans ses posts sur X, fustige les « lobbyistes » qui, sous couvert d’écologie, marginaliseraient les plus modestes. Supprimer les ZFE serait ainsi une première fissure dans ce que certains qualifient de « dictature » bruxelloise, une victoire pour ceux qui refusent de voir leur quotidien dicté par des injonctions supranationales.
Une victoire en vue pour les « gueux » ?
Si l’Assemblée nationale confirme la suppression des ZFE le 29 avril, ce serait une victoire retentissante pour les « gueux » et leurs alliés. Mais des obstacles subsistent. Le Conseil constitutionnel pourrait retoquer l’amendement pour des raisons de forme, le jugeant hors sujet dans une loi de simplification. Par ailleurs, le Sénat devra également valider le texte, et le gouvernement pourrait tenter de réintroduire des mesures alternatives pour apaiser Bruxelles.
Quoi qu’il en soit, le mouvement anti-ZFE a déjà réussi à imposer son agenda. Il a révélé la force d’une mobilisation populaire transpartisane, capable de faire plier un Parlement et de défier les injonctions européennes. Comme le souligne Alexandre Jardin, « les cyniques qui pensent que les #gueux vont s’essouffler vont perdre ». Cette bataille pourrait bien marquer le début d’un bras de fer plus large entre la souveraineté nationale et les ambitions écologiques de l’UE.
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