Le système administratif français, surnommé « mille-feuille » pour son empilement de strates, est un gouffre financier et un frein à l’efficacité. Avec ses multiples échelons – Parlement, conseils régionaux, départementaux, intercommunalités, communes – et ses innombrables comités, il mobilise des ressources colossales pour des résultats souvent médiocres. Pire, la primauté du droit européen sur le droit français rend caduque une partie du travail de ces élus, transformant ce système en une machine à gaspiller où « la sauce coûte plus cher que le poisson ». Cet article décortique les coûts exorbitants de ce mille-feuille, des salaires des élus aux frais de fonctionnement, en les comparant à d’autres pays, tout en soulignant l’inefficacité structurelle imposée par l’Union européenne.
Le Parlement : un coût astronomique pour une efficacité limitée
Le Parlement français, bicaméral, comprend l’Assemblée nationale (577 députés) et le Sénat (348 sénateurs), soit 925 parlementaires. En 2024, un député ou sénateur touche une indemnité brute mensuelle de 7 637,39 € (environ 5 953 € net pour les députés, 5 676 € net pour les sénateurs après cotisations). À cela s’ajoutent des avantages conséquents :
- Avance de frais de mandat : 6 353 €/mois pour les députés, couvrant location de permanences, réceptions, etc. (voir ici)
- Crédit collaborateur : 11 118 €/mois pour les députés, 7 548 € pour les sénateurs, pour employer jusqu’à cinq assistants. (voir ici et ici)
- Frais de transport : gratuité SNCF en 1re classe, 80 trajets aériens annuels Paris-circonscription, remboursement de taxis, etc.. (voir ici)
- Autres avantages : bureau équipé, forfait téléphonique, possibilité de couchage à l’Assemblée pour certains, ou remboursement hôtelier (200 €/nuit). (voir ici)
Le budget de fonctionnement de l’Assemblée nationale s’élève à 589 millions €/an (2024), incluant salaires, charges sociales, pensions, frais de secrétariat et logistique. Le Sénat coûte environ 340 millions €/an. Avec 7,5 mois de travail effectif par an, le coût mensuel par parlementaire (indemnités, collaborateurs, frais) avoisine 28 300 €. Soit, pour 925 parlementaires, environ 26 millions €/mois, ou 314 millions €/an pour les seules indemnités et frais directs.
Les élus locaux : une armée coûteuse
La France compte 567 222 élus locaux (2023), un record européen, pour 67,4 millions d’habitants. Ces élus se répartissent ainsi :
- 34 945 communes : environ 520 000 conseillers municipaux, maires et adjoints.
- 101 conseils départementaux : environ 4 000 conseillers.
- 18 conseils régionaux : environ 1 700 conseillers.
- 1 258 communautés de communes, 1 000 communautés d’agglomération, 21 métropoles : des milliers de conseillers intercommunaux.
Salaires et indemnités
Les indemnités varient selon la taille des collectivités :
- Maires : de 991,80 € brut/mois (communes < 500 habitants) à 5 639 € (> 100 000 habitants). À Paris, le maire touche 7 487 € brut. (voir ici)
- Conseillers municipaux : souvent non indemnisés (< 100 000 habitants), mais à Paris, jusqu’à 4 500 € brut pour les conseillers. (voir ici)
- Conseillers départementaux : 1 629 à 2 677 € brut/mois. (voir ici)
- Conseillers régionaux : 1 529 à 2 677 € brut/mois. (voir ici)
- Présidents d’intercommunalités : 3 441 à 5 545 € brut/mois pour les communautés d’agglomération ou urbaines. (voir ici)
Le cumul des mandats, bien que plafonné à 8 321,65 € brut/mois, reste courant. Selon l’IFRAP, les indemnités totales des élus locaux s’élèvent à environ 2,1 milliards €/an, dont la moitié pour les maires et adjoints. En moyenne, un élu local coûte environ 3 700 €/an en indemnités, mais ce chiffre grimpe pour les exécutifs (maires, présidents de conseils).
Coûts de fonctionnement
Les collectivités territoriales emploient environ 1,9 million d’agents publics (2022), soit 34 % des fonctionnaires français. Les dépenses de personnel représentent une part majeure des budgets :
- Communes : 35 à 50 % du budget de fonctionnement (en moyenne 200 €/habitant/an pour le personnel). (voir ici)
- Intercommunalités : les 2 279 EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) ont des budgets de fonctionnement d’environ 40 milliards €/an, dont 60 % pour le personnel et les charges fixes. (voir ici)
- Départements : budgets de fonctionnement d’environ 70 milliards €/an, avec 40 % pour les salaires et charges sociales.
- Régions : environ 30 milliards €/an, dont 30 % pour le personnel. (voir ici)
Les charges fixes (bâtiments, énergie, informatique) et les frais de transport (véhicules de fonction, déplacements) alourdissent la facture. Par exemple, une commune de 20 000 habitants dépense environ 80 000 €/tour d’élection pour les bureaux de vote et la logistique. Au total, le fonctionnement des collectivités locales coûte environ 140 milliards €/an, dont 60 % pour les salaires et charges administratives.
Les députés européens : un coût déconnecté
La France envoie 81 députés au Parlement européen. En 2025, leur indemnité brute mensuelle est de 10 802,91 € (8 419,90 € net après impôt européen), soit 40 % de plus qu’un député français. À cela s’ajoutent :
- Indemnité forfaitaire : 350 €/jour pour frais d’hôtel et repas à Bruxelles ou Strasbourg.
- Enveloppe pour assistants : 30 769 €/mois, gérée directement par le Parlement européen.
- Frais de déplacement : remboursement intégral des billets d’avion, train, ou voiture, sans plafond clair.
Le coût total par eurodéputé (indemnités, assistants, frais) avoisine 45 000 €/mois, soit 3,6 millions €/an pour les 81 Français. Avec un Parlement européen de 705 membres, le budget global dépasse 2 milliards €/an, financé par les contribuables européens, dont la France contribue à hauteur de 20 % (environ 400 millions €/an).
Les comités théodules : un puits sans fond
Les comités et agences publiques, souvent qualifiés de « théodules », pullulent. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), avec ses 233 membres indemnisés à 3 845,20 € brut/mois, coûte environ 10 millions €/an en indemnités seules. La Cour des comptes recensait en 2019 environ 1 200 agences et opérateurs publics, avec un coût global de 50 milliards €/an, incluant salaires, locaux, et frais divers. Ces structures, souvent redondantes, produisent des rapports à faible impact, alourdissant la bureaucratie sans bénéfice tangible.
Coût global : un fardeau insoutenable
En agrégeant tous les échelons :
- Parlement national : 925 élus, environ 314 millions €/an (indemnités et frais directs) + 589 millions € (Assemblée) + 340 millions € (Sénat) = 1,24 milliard €/an.
- Élus locaux : 567 222 élus, 2,1 milliards €/an en indemnités + 140 milliards €/an de fonctionnement = 142,1 milliards €/an.
- Eurodéputés : 81 élus, environ 292 millions €/an (part française).
- Comités théodules : environ 50 milliards €/an.
Total estimé : 193,6 milliards €/an, soit environ 13 % du PIB français (2 900 milliards € en 2024). Rapporté à la population, cela représente 2 870 €/habitant/an, un chiffre astronomique comparé à d’autres pays.

Comparaison internationale : la France championne du gaspillage
- Allemagne : 16 Länder, 709 députés au Bundestag, environ 100 000 élus locaux pour 84 millions d’habitants. Coût total des élus et administrations locales : environ 80 milliards €/an, soit 950 €/habitant. Les Länder ont des compétences élargies, réduisant les doublons.
- Royaume-Uni : 650 députés à la Chambre des Communes, 750 lords non élus, environ 20 000 élus locaux. Coût total : environ 30 milliards €/an, soit 450 €/habitant. La centralisation limite les strates.
- Italie : 600 parlementaires (depuis 2020), 20 régions, environ 130 000 élus locaux. Coût : environ 50 milliards €/an, soit 850 €/habitant. La réforme de 2020 a réduit les parlementaires de 30 %, économisant 500 millions €/législature.
La France dépense trois à six fois plus par habitant pour ses élus et administrations locales, avec un ratio d’1 élu pour 119 habitants, contre 1 pour 500 en Allemagne et 1 pour 600 aux États-Unis. Cette hypertrophie s’explique par un attachement à la démocratie locale, mais aussi par un refus chronique de rationaliser.
La primauté du droit européen : une humiliation pour le mille-feuille
Le principe de subsidiarité, inscrit dans l’article 72 de la Constitution française, vise à confier les compétences au niveau le plus proche des citoyens. Mais ce principe est écrasé par la primauté du droit européen, établie par la Cour de justice de l’UE (arrêt Costa c. ENEL, 1964). Les directives et règlements européens s’imposent aux lois nationales et locales, rendant caduque une partie du travail des élus français.
Par exemple :
- Environnement : les normes européennes sur la qualité de l’air ou la gestion des déchets (directive 2008/98/CE) obligent les collectivités à des investissements massifs, souvent sans financement européen. Les régions et départements élaborent des plans d’action, mais leurs marges de manœuvre sont limitées.
- Marchés publics : les règles européennes (directive 2014/24/UE) imposent des procédures complexes, ralentissant les projets locaux et augmentant les coûts administratifs.
- Agriculture : la PAC (politique agricole commune) dicte les aides et contraintes, reléguant les régions à un rôle d’exécutant.
Environ 60 % des lois françaises adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat sont des transpositions de directives européennes. Les élus locaux, eux, passent un temps considérable à adapter leurs politiques à des normes qu’ils ne contrôlent pas. Ce système transforme les élus en simples relais d’une bureaucratie bruxelloise, rendant leur travail redondant et coûteux. Les 81 eurodéputés français, malgré leurs indemnités généreuses, ont un pouvoir limité face aux 705 membres du Parlement européen, où la France pèse moins de 12 % des voix.
Subsidiarité : un mirage français
La subsidiarité, censée rationaliser la répartition des compétences, est un échec en France. Les lois de décentralisation (1982, 2003, 2015) ont transféré des responsabilités sans clarifier les rôles. Par exemple, le tourisme est géré par les communes, intercommunalités, départements et régions, entraînant des doublons et des gaspillages. La Cour des comptes dénonçait en 2020 des chevauchements de compétences coûtant plusieurs milliards d’euros par an. L’État, malgré la décentralisation, conserve un contrôle via les préfets et les financements conditionnels, freinant l’autonomie locale.
En Allemagne, la subsidiarité est mieux appliquée : les Länder ont des pouvoirs législatifs clairs (éducation, police), et les doublons sont rares. En France, la peur de l’inégalité territoriale et l’héritage jacobin bloquent toute réforme ambitieuse.
La sauce plus chère que le poisson
Le mille-feuille administratif français est une aberration économique et démocratique. Avec 193,6 milliards €/an pour faire fonctionner ses 568 228 élus (nationaux, locaux, européens) et leurs administrations, la France dépense plus que tout autre pays européen pour un système engoncé dans la redondance et la lenteur. Chaque habitant paie 2 870 €/an pour maintenir cette machinerie, contre 450 € au Royaume-Uni ou 950 € en Allemagne. Les comités théodules, les strates inutiles et les avantages exorbitants des élus (SNCF gratuite, bureaux équipés, assistants nombreux) alourdissent une facture indéfendable.
Pire, la primauté du droit européen vide de sens une grande partie de ce travail. Les élus français, qu’ils soient députés, sénateurs ou conseillers locaux, passent leur temps à appliquer des directives qu’ils ne maîtrisent pas, transformant leurs fonctions en une coûteuse mascarade. La subsidiarité, pourtant promise, reste lettre morte face à la centralisation parisienne et bruxelloise. Réduire le nombre d’élus, fusionner les collectivités, supprimer les agences inutiles et clarifier les compétences seraient des priorités évidentes. Mais dans un pays où chaque réforme suscite des levées de boucliers, le mille-feuille continue de prospérer, prouvant que, décidément, la sauce coûte bien plus cher que le poisson.
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