Dans un monde où les crises climatiques, géopolitiques et sociales s’intensifient, une nouvelle lubie s’empare des grandes fortunes : la construction de bunkers ultra-luxueux, véritables forteresses souterraines conçues pour survivre à l’effondrement de la société. De la Nouvelle-Zélande à la Patagonie, en passant par Hawaï, les milliardaires de la Silicon Valley et d’ailleurs investissent des sommes colossales dans ces « assurances apocalypse », révélant une vérité scandaleuse : conscients des ravages causés par leurs modèles économiques et leurs choix politiques, les ultra-riches préparent leur fuite, laissant le reste de l’humanité affronter les conséquences de leurs décisions. Ce cynisme, qui mêle égoïsme et indifférence, soulève une indignation croissante : ceux qui sèment le chaos ne devraient-ils pas un jour en payer le prix ?
Une mode réservée à l’élite
Les bunkers de l’apocalypse ne sont pas de simples abris. Ce sont des complexes fortifiés, souvent souterrains, équipés de piscines, spas, salles de cinéma, fermes bio, hôpitaux privés, et même de galeries d’art. Marc Zuckerberg, par exemple, fait construire un bunker de 500 m² sous sa propriété de Ko’olau Ranch à Hawaï, un projet estimé à 250 millions d’euros. Ce complexe, doté d’une trentaine de chambres, d’une ferme de 27 hectares et de systèmes autonomes d’énergie, est la « surva-villa » la plus chère au monde.
Il n’est pas seul. Reid Hoffman, co-fondateur de LinkedIn, a révélé que plus de 50 % des milliardaires de la Silicon Valley possèdent une forme d’« assurance apocalypse », souvent sous la forme de bunkers en Nouvelle-Zélande, un pays prisé pour sa stabilité politique, son isolement géographique et sa nature préservée. Peter Thiel, co-fondateur de PayPal, y possède une résidence à Queenstown, tandis que le réalisateur James Cameron y a établi un ranch. Face à l’afflux des ultra-riches, le gouvernement néo-zélandais a même dû limiter en 2018 l’achat de propriétés par des étrangers, une mesure contournée par des investissements massifs pour obtenir des visas de complaisance.
En Patagonie, autre eldorado des bunkers, des figures comme Sylvester Stallone, le milliardaire Joe Lewis ou la famille Benetton ont acquis d’immenses domaines, parfois au prix de détournements environnementaux, comme la modification du cours d’une rivière pour leurs besoins. En Suisse, des banquiers et promoteurs immobiliers creusent des sous-sols de plusieurs milliers de mètres carrés, intégrant piscines, saunas et parkings pour des dizaines de voitures. À Genève, par exemple, le banquier Jacob Safra agrandit sa propriété avec un sous-sol de 2 250 m² comprenant un spa de 850 m² et des terrains de squash, pour un coût de 60 millions de francs suisses.
Des bunkers high-tech pour une apocalypse sur mesure
Ces bunkers ne se contentent pas d’offrir un refuge. Ils sont conçus pour permettre aux ultra-riches de maintenir leur train de vie même en cas de catastrophe. La société américaine Vivos, leader du marché, propose des abris autonomes pouvant accueillir jusqu’à 300 personnes, avec des prix d’entrée à 35 000 dollars par place, voire 9,6 millions pour son modèle « Aristocrat » équipé d’une piscine, d’une salle de jeux et d’un stand de tir. En Suisse, avant sa faillite en 2024, la société Oppidum promettait des bunkers sur mesure avec portes blindées et systèmes de filtration d’air, pour des budgets de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Aux États-Unis, Al Corbi, président de SAFE, construit des forteresses extrêmes, comme une île artificielle entourée d’un lac de liquide inflammable qui peut s’embraser pour repousser les intrus, ou des systèmes de canons à eau capables d’abattre des hélicoptères. Ces installations, parfois localisables uniquement par GPS, intègrent des technologies de pointe : intelligence artificielle pour la gestion médicale, serres internes pour l’autosuffisance alimentaire, et même des salles de décontamination.
Un scandale moral et politique
Cette ruée vers les bunkers n’est pas seulement une excentricité de l’élite : elle est le symptôme d’un cynisme révoltant. Les ultra-riches, à l’image des magnats de la tech, ont bâti leurs fortunes sur des modèles économiques qui exacerbent les inégalités, pillent les ressources naturelles et alimentent les changements de régimes selon leurs propres intérêts. Pourtant, au lieu d’investir pour prévenir ces crises, ils préfèrent s’isoler dans des bulles technologiques, des « réalités virtuelles prévisibles et sûres », comme l’explique un spécialiste interrogé par la RTS.
Douglas Rushkoff, auteur de Survival of the Richest, décrit cette mentalité comme une fuite en avant : « Ces milliardaires croient pouvoir échapper aux conséquences de leurs actions, comme s’ils pouvaient construire une voiture assez rapide pour dépasser ses propres gaz d’échappement. » Lors d’une rencontre avec des milliardaires en 2017, Rushkoff a été interrogé non pas sur la prévention des catastrophes, mais sur des détails pratiques : où situer son bunker, comment gérer ses gardes armés après « l’événement » – un euphémisme pour désigner un effondrement sociétal.
Ce comportement est d’autant plus scandaleux que les ultra-riches influencent directement notre avenir. À Davos, dès 2017, des élites de la Silicon Valley discutaient de leurs plans de survie, conscients des risques posés par leurs multinationales. En s’achetant des bunkers, ils reconnaissent implicitement leur responsabilité dans le chaos – réchauffement climatique, inégalités extrêmes, instabilité sociale – tout en s’en lavant les mains. Comme l’écrit Reporterre, « les riches se préparent à l’effondrement en s’offrant des fermes bio et des bunkers, pendant que le reste du monde subit les conséquences de leurs choix. »
Une indignation croissante
Cette attitude provoque une colère légitime. Sur les réseaux sociaux, des voix s’élèvent pour dénoncer l’hypocrisie des élites. Un utilisateur sur les réseaux sociaux s’indigne : « Les ultra-riches détruisent la planète avec leur mode de vie irresponsable et se construisent des bunkers pour continuer à vivre dans le luxe, tandis qu’ils nous laissent un monde invivable. » Un autre ajoute : « Pendant que les peuples seront livrés au chaos, une poignée de milliardaires siroteront du champagne sous terre. »
Ce scandale dépasse la simple question des bunkers. Il met en lumière une fracture morale : ceux qui détiennent le pouvoir et les richesses façonnent un monde qu’ils savent destructeur, mais se protègent des retombées. Pendant que des populations entières, comme à Gaza, vivent déjà des « dystopies » marquées par la famine et la guerre, les milliardaires stockent des vivres dans des abris climatisés. Cette injustice crie vengeance : pourquoi ceux qui sèment le chaos seraient-ils les seuls à s’en prémunir ?
Vers une responsabilité inéluctable
La question n’est plus de savoir si les ultra-riches peuvent acheter leur survie, mais combien de temps ils pourront échapper à leur responsabilité. Les bunkers, aussi sophistiqués soient-ils, ne les protégeront pas indéfiniment. Comme le souligne Rushkoff, la véritable survie passe par des actions collectives : rendre nos sociétés plus résilientes, redistribuer les richesses, protéger l’environnement. Les milliardaires, en s’isolant, ne font que retarder l’inévitable. Un jour, ils devront rendre des comptes pour les crises qu’ils ont aggravées.
En attendant, leur fuite souterraine est une gifle à l’humanité. Elle rappelle que l’élite, loin de chercher des solutions globales, préfère parier sur son salut individuel. Ce choix, aussi immoral que lâche, ne peut qu’alimenter la colère des laissés-pour-compte. Un jour, il faudra que les responsables paient – pas seulement en argent, mais en justice.
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