Le nucléaire au cœur des conflits modernes

Le nucléaire au cœur des conflits modernes

Dans une émission récente d’Openbox TV animée par Alain Juillet, intitulée Le nucléaire au cœur des conflits modernes, l’ancien ambassadeur de France en Ukraine, premier du genre après l’indépendance du pays, livre une analyse approfondie des enjeux nucléaires dans les crises actuelles. Invité pour son expertise – ayant servi à Kiev, Moscou et Washington –, il tisse des liens entre la guerre en Ukraine, les tensions avec la Russie, et les confrontations impliquant l’Iran et Israël. Au fil de la discussion, émergent des thèmes cruciaux : la non-prolifération, l’équilibre de la terreur, et les leçons d’une dénucléarisation mal gérée. Cet article synthétise les points clés de cet échange enrichissant, soulignant comment le nucléaire reste un fil rouge des géopolitiques contemporaines.

Les origines nucléaires de l’indépendance ukrainienne

L’histoire de l’Ukraine moderne est indissociable du nucléaire, non pas à travers des armes, mais via une catastrophe civile : l’accident de Tchernobyl en 1986. Comme l’explique l’ambassadeur, cet événement, survenu sous l’ère soviétique, a révélé aux Ukrainiens les failles de la gestion soviétique, accélérant les revendications d’autonomie. Dès 1990, lors de son arrivée à Kiev en tant que consul général, il assiste au vote d’une déclaration (16/07/1990) de souveraineté au Parlement ukrainien, affirmant un désir de neutralité et de dénucléarisation.

L’indépendance suit rapidement en août 1991, après le putsch raté contre Gorbatchev. Le Parlement Ukrainien (toujours soviétique et donc à majorité communiste) vote la déclaration d’indépendance (24/08/1991).

Boris Eltsine, alors président russe, réagit en évoquant une « rectification des frontières », réclamant la Crimée et le Donbass – des tensions préfigurant les conflits actuels. L’Union européenne pose deux conditions à cette indépendance : le respect des minorités russes sur son territoire et la dénucléarisation.

Nous assistons alors à une crise majeure : la prolifération nucléaire. À l’époque, l’Ukraine hérite de 3.600 ogives nucléaires soviétiques, un arsenal colossal comparé aux 300 de la France. Les puissances nucléaires (États-Unis, Royaume-Uni, France) exigent alors leur transfert à Moscou, craignant une prolifération incontrôlée en Europe. Il n’était pas question de voir émerger une puissance nucléaire ; d’autant plus que l’on ne connaissait pas vraiement qui dirigeait l’Ukraine.

L’équilibre de la terreur : MAD et les limites de l’aide américaine

Au cœur de la discussion se trouve le concept de « destruction mutuelle assurée » (MAD, en anglais), pilier des relations américano-russes depuis la crise de Cuba en 1962. Les deux superpuissances négocient continuellement pour limiter la course aux armements, reconnaissant que leurs arsenaux (environ 5.000 ogives pour les États-Unis, 6.000 pour la Russie) garantissent une paix précaire.

Dans le conflit ukrainien, les États-Unis restreignent leur aide pour préserver cet équilibre. Pas d’armes à longue portée pour éviter de frapper des sites nucléaires russes, comme les radars stratégiques touchés en 2023, qui ont provoqué une réaction immédiate de Washington. Même les frappes ukrainiennes sur des bombardiers stratégiques russes ont conduit à des appels directs entre Poutine et Trump, illustrant un « téléphone rouge » toujours actif.

L’ambassadeur insiste : la guerre en Ukraine ne se comprend pas sans ce dialogue nucléaire permanent.
Quand l’URSS s’est écroulée, il y a eu un débat juridique qui s’est posé pour la réunification de l’Allemagne : La RFA était membre de l’OTAN et la question était de savoir en cas de réunification de l’Allemagne : est-ce que la RDA va rentrer dans l’OTAN ou pas ? Ça a été une négociation très difficile qui a failli capoter. On a fini par faire admettre à M. Gorbatchev qu’elle rentrerait dans l’OTAN. En contrepartie, Gorbatchev a exigé de ne pas étendre l’OTAN à l’Est. Cependant, le Secrétaire d’État à la Défense, James Baker, lui a assuré que l’OTAN « ne s’étendrait pas d’un pouce à l’Est », mais ce n’était qu’une promesse

Parallèles avec l’Iran : de la persuasion à la coercition

La discussion élargit le spectre à l’Iran, où la non-prolifération passe de la persuasion à la coercition – une première historique. Israël, avec son arsenal nucléaire non déclaré (aidé par la France dans les années 1960), mène des attaques préventives contre les sites iraniens, violant le droit international, tout comme l’occident qui reproche « l’invasion » russe de l’Ukraine. Pourtant, les réactions occidentales diffèrent, révélant des « deux poids, deux mesures ».

Évolutions de la « grammaire nucléaire » et perspectives futures

Le nucléaire évolue : en réponse à l’intervention de moins en moins cachée de l’OTAN et le transfert en masse d’armes offensives contre le territoire de la Russie, les Russes évoquent dorénavant un usage offensif potentiel, et des drones low-cost menacent des sites stratégiques, affaiblissant la « sanctuarisation » de part et d’autre. La France, ayant abandonné ses armes tactiques dans les années 1990, doit moderniser son arsenal pour répondre à des agressions limitées sans escalade massive.

Avec l’émergence de la Chine (500-800 ogives) et des proliférateurs comme l’Inde, le Pakistan ou la Corée du Nord, l’équilibre MAD se fragilise. L’ambassadeur plaide pour une grande conférence internationale, incluant des garanties pour les États dénucléarisés, et une « générosité » dans les négociations. Trump pourrait jouer un rôle en renégociant avec Moscou pour brider Pékin.

En Europe, l’OTAN empêche l’Allemagne de se nucleariser, mais son réarmement rapide pose questions. La France, avec son indépendance nucléaire héritée de de Gaulle, doit repenser sa doctrine face à ces changements.

Vers une réflexion globale et généreuse

Cette émission d’Openbox TV, enrichie par l’expérience de l’ambassadeur, révèle comment le nucléaire surplombe les conflits modernes, des origines de l’indépendance ukrainienne aux tensions iraniennes. Sans une réflexion historique et prospective – remontant aux archives pour anticiper les risques –, la prolifération risque de s’accélérer. Pourtant, l’espoir réside dans le dialogue persistant entre puissances, comme le prouve le « téléphone rouge » actif. Il est temps d’être généreux : offrir des garanties réelles pour renoncer à l’arme ultime, sous peine de catastrophes. Comme le conclut l’invité, « tout n’est pas désespéré, mais il faut une volonté pour aller de l’avant ».

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