Trump peut-il rendre le Groenland américain ?

Trump peut-il rendre le Groenland américain ?

Donald Trump, réélu président des États-Unis en novembre 2024, a ravivé en 2025 son intérêt pour l’acquisition du Groenland, un territoire autonome du Danemark qu’il considère essentiel pour la sécurité nationale américaine. Dans un discours au Congrès en mars 2025, Trump a déclaré que les États-Unis obtiendraient le contrôle de l’île « d’une manière ou d’une autre » arguant de son importance pour la sécurité mondiale. Cette proposition, qui fait écho à une idée émise dès 2019 lors de son premier mandat, a suscité des débats intenses sur la faisabilité d’un tel rachat et ses implications géopolitiques. Dans une interview accordée à l’émission Open Box TV, le sénateur français André Gattolin, vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense au Sénat et auteur d’un rapport sur le Groenland en 2014, décrypte les motivations américaines et les défis posés par cette ambition. Selon Gattolin, les États-Unis s’intéressent au Groenland pour des raisons géographiques, stratégiques et ressources, mais un achat pur et simple reste improbable sans concessions majeures. Cette initiative s’inscrit dans une course accrue pour le contrôle de l’Arctique, marquée par des tensions avec la Chine et la Russie, et révèle des failles dans les relations au sein de l’OTAN.

Le contexte géographique et historique du Groenland

Le Groenland, immense île de plus de 2 millions de km² – soit quatre fois la superficie de la France –, ne compte que 56.000 habitants (soit la population d’une ville moyenne française), majoritairement inuits. Sa calotte glaciaire couvre 85 % du territoire, rendant l’exploitation et la vie quotidienne complexes. Géographiquement, l’île fait partie de la plaque continentale nord-américaine, séparée du Canada par des détroits étroits comme la mer de Baffin. Cette proximité explique en partie l’intérêt américain : historiquement, les États-Unis ont étendu leur territoire par des rachats, comme l’Alaska à la Russie en 1867 ou la Louisiane à la France en 1803.

Groenland

Trump n’est pas le premier président américain à convoiter le Groenland. Harry Truman avait proposé un achat en 1946, après la Seconde Guerre mondiale, pour des raisons militaires, et des tentatives remontent même à 1867. En 2025, Trump a réitéré cette idée, affirmant en janvier qu’il croyait fermement que les États-Unis « obtiendraient » l’île. Des républicains au Congrès ont même introduit un projet de loi en janvier 2025 pour autoriser des négociations avec le Danemark.

Cependant, comme le note Politico, les jours des achats territoriaux massifs sont révolus, et une annexion forcée serait illégale au regard du droit international.

Le statut politique : autonomie danoise et aspirations indépendantistes

Le Groenland est un territoire autonome du Danemark depuis 1979, avec un statut renforcé en 2009. Il gère ses affaires internes, mais Copenhague conserve le contrôle de la défense, de la politique étrangère et de la monnaie (couronne danoise). En 1985, suite à un référendum en 1982, le Groenland a quitté l’Union européenne – un « Grexit » avant l’heure – tout en restant lié par les citoyens danois, qui sont de facto européens. Plus de 60 % de son budget provient d’aides danoises, environ 485 millions d’euros annuellement, rendant l’indépendance économique précaire.

La population, divisée linguistiquement (quatre langues inuites), aspire à la souveraineté, mais avec seulement 50 personnes formant l’élite politique (31 parlementaires et ministres), construire un État viable est un défi. Un sondage récent indique que 85 % des Groenlandais rejettent un rachat américain. Des élections générales en mars 2025 ont vu les habitants exprimer leur opposition, qualifiant Trump de « quel genre de type essaie d’acheter un pays ? »

En réponse aux propos de Trump, le Danemark a annoncé un renforcement de sa défense au Groenland, incluant une augmentation du nombre de militaires à Nuuk, l’achat de deux navires, de drones à longue portée, et la modernisation d’un aéroport pour accueillir des F-35.

Le ministre danois de la Défense a admis un sous-investissement passé dans l’Arctique, tandis que le Premier ministre groenlandais a fermement déclaré que l’île « n’est pas à vendre et ne le sera jamais ».

Les motivations américaines : stratégie, ressources et contre la Chine

Les États-Unis voient le Groenland comme un atout stratégique dans l’Arctique, où le réchauffement climatique ouvre de nouvelles routes maritimes comme le passage du Nord-Ouest. La base de Thulé (rebaptisée Pituffik Space Base), établie en 1951 par un accord dano-américain, est cruciale pour la surveillance des missiles et la défense contre la Russie et la Chine (une nouvelle base de l’OTAN ?). Trump considère l’Arctique comme un « précarré nord-américain » menacé, particulièrement par Pékin, qui investit dans les infrastructures via sa « Route de la soie polaire ».

Les ressources naturelles attirent aussi : terres rares (essentielles pour l’électronique et l’armement), uranium et potentiels hydrocarbures. Le Groenland possède des gisements de 43 des 50 minéraux critiques identifiés, vitaux pour les technologies énergétiques. Les États-Unis, dépendants à 80 % de la Chine pour ces minéraux, cherchent des alternatives pour sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement. Cependant, l’extraction est coûteuse en raison de la glace, du manque d’infrastructures et de main-d’œuvre qualifiée. Des projets chinois, comme l’envoi de 5 000 travailleurs pour une mine, ont alarmé Washington, qui a obtenu en 2019 l’exclusion d’une entreprise chinoise d’un appel d’offres aéroportuaire.

Trump vise à bloquer l’influence chinoise et russe, en posant des « pions » pour 2050-2100. Des experts comme Marco Rubio affirment que l’intérêt de Trump n’est « pas une blague ». Sur les réseaux sociaux, des internautes débattent : certains soutiennent l’annexion pour la sécurité, d’autres la rejettent comme une ingérence. Cette course implique une rivalité accrue avec la Chine et la Russie pour le contrôle de l’Arctique, où la coopération entre Pékin et Moscou renforce les inquiétudes occidentales.

Les défis d’une acquisition et la position européenne

Un rachat nécessiterait l’accord du Parlement danois et un référendum au Groenland, potentiellement aussi au Danemark. Trump pourrait opter pour des concessions : expansion de bases militaires, développement aéroportuaire (comme la ligne directe United vers Nuuk en 2025) ou aide au développement. La Maison Blanche évalue les coûts d’une prise de contrôle, estimés élevés. Une annexion forcée est exclue, mais des pressions économiques sur le Danemark sont envisageables.

L’Europe, quant à elle, est absente : sa politique se limite à des déclarations environnementales, interdisant par exemple la vente de produits dérivés du phoque, vital pour l’économie locale. L’UE n’offre pas de vrai soutien au développement durable, comme le tourisme ou l’agriculture sous serre, malgré le potentiel hydroélectrique. Le Groenland, émetteur négatif de carbone, souffre de la pollution externe sans compensation.

La proposition de Trump révèle des tensions au sein de l’OTAN : elle est vue comme une manifestation d’impérialisme américain, liant protection militaire à des concessions économiques, comme les critiques sur les dépenses de défense danoises (1,35 % du PIB contre 2 % attendus). Le Premier ministre danois a qualifié l’idée d' »absurde », menant à l’annulation d’une visite de Trump et à des accusations d’ingratitude envers les alliés. Cela fait écho à des pressions historiques, comme celles de Lyndon Johnson en 1962 ou des documents du Pentagone sous Clinton, soulignant une dynamique où les États-Unis exigent une réciprocité économique pour leur engagement sécuritaire.

Perspectives : une américanisation inévitable ?

Trump pourrait obtenir des avancées sans achat formel, via des partenariats aéroportuaires et militaires, accélérant l' »américanisation » du Groenland. Les habitants, confrontés à un taux de suicide élevé chez les jeunes et à un exode vers l’Europe (via Erasmus), aspirent à un développement respectueux. Comme le soulignent des analyses, cette ambition risque d’isoler les États-Unis si elle ignore les aspirations locales. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

NOUS CONCERNANT
NOUS CONCERNANT
MultiPol 360
À l’heure où tout semble s’effondrer dans les sociétés humaines et où ceux qui prônaient un Nouvel Ordre Mondial unipolaire découvrent avec rage que la majorité des peuples du monde n’acceptent plus la dictature occidentale, notre équipe a décidé de vous présenter ce monde en mutation en analysant les faits principaux qui sont soit occultés soit manipulés par les médias aux ordres. Nous couvrons l’essentiel de l’actualité française et internationale sans que vous perdiez votre temps à chercher parmi les milliers d’informations qui nous sont proposées chaque jour. Aujourd’hui, ceux qui veulent s’informer pour approcher la vérité et résister à la désinformation du Système ont un nouvel outil à leur disposition : Il s’appelle MultiPol360. Nous sommes heureux de le mettre à votre disposition. Bienvenue dans le monde multipolaire de demain !

NOS CONSEILS DE LECTURE

Vous y trouverez des conseils de lecture qui vous aideront à mieux comprendre les enjeux de la géopolitique et des interactions qui gouvernent notre monde.

SITES AMIS