En novembre 2025, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a adressé une lettre aux 27 chefs d’État et de gouvernement de l’UE pour les presser de combler un déficit budgétaire ukrainien estimé à environ 135-140 milliards d’euros pour les années 2026-2027.
Ce montant colossal, nécessaire pour maintenir à flot l’État ukrainien (paiement des salaires, des militaires, de l’énergie et de l’effort de guerre), représente presque autant que ce que l’UE a versé à Kiev depuis le début du conflit en 2022 (plus de 166 milliards d’euros au total, aides militaires et financières confondues).
Von der Leyen présente trois options principales, qui peuvent être combinées :
- Contributions volontaires directes des États membres : sous forme de dons non remboursables, impactant directement les budgets nationaux (au moins 90 milliards d’euros demandés sur deux ans, soit environ 0,16 à 0,27 % du PIB par pays et par an).
- Emprunt commun au niveau de l’UE : un endettement collectif sur les marchés financiers, garanti par les 27, qui reporterait la charge sur les générations futures.
- Prêt « réparations » adossé aux avoirs russes gelés (environ 185-210 milliards d’euros immobilisés, dont la majeure partie chez Euroclear en Belgique) : l’UE emprunterait jusqu’à 140 milliards d’euros en utilisant ces actifs comme garantie. L’Ukraine ne rembourserait que si la Russie paie des réparations après une défaite militaire – un scénario que même Bruxelles qualifie implicitement de hautement incertain.
La troisième option est présentée comme la « plus efficace » par la Commission, car elle n’alourdit pas directement les dettes nationales. Pourtant, elle suscite de vives résistances : la Belgique refuse catégoriquement de mettre en jeu les avoirs déposés sur son sol, craignant des représailles judiciaires russes et une fuite des investisseurs internationaux. D’autres pays (Hongrie en tête) bloquent ou freinent le projet.
La réaction cinglante de Viktor Orbán
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, n’a pas mâché ses mots après réception de la lettre : « C’est comme vouloir sauver un alcoolique en lui envoyant une caisse de vodka. » Pour lui, au moment même où des scandales de détournement d’aides européennes en Ukraine sont révélés (corruption au sein du ministère de la Défense, affaires impliquant des proches du pouvoir), demander encore plus d’argent sans audit sérieux ni suspension des versements est absurde.
Orbán n’est pas isolé : plusieurs capitales (Italie, Slovaquie, Pays-Bas…) rechignent à ouvrir davantage le robinet, surtout quand leurs propres finances publiques sont fragiles.
Corruption en Ukraine : le tabou qui resurgit
Tout au long de 2025, l’UE a déjà dû geler ou réduire des tranches d’aide (plusieurs milliards d’euros) en raison de régressions sur l’indépendance des institutions anticorruption ukrainiennes. Des enquêtes ont révélé des détournements massifs dans les achats militaires, des affaires de pots-de-vin au sommet de l’État et une pression politique croissante sur les organes anticorruption (NABU, SAPO). Malgré ces alertes, la Commission continue de pousser pour des flux encore plus importants, sans conditionnalité renforcée visible.
Vers une dette européenne éternelle ?
Si le plan des avoirs russes échoue (ce qui est probable tant que la Belgique bloque), les deux autres options reviennent à faire payer les Européens : soit directement via leurs impôts, soit via un 140 milliards d’euros de dette commune supplémentaire. Des commentateurs y voient un pas de plus vers la fédéralisation budgétaire de l’UE : créer aujourd’hui une dette commune sous prétexte de « péril russe » , pour demain imposer des impôts européens ou un endettement permanent.
Pendant ce temps, les caisses des États membres sont vides ou sous tension : inflation, dette publique record en France et en Italie, ralentissement économique… Et l’Ukraine ? Ses besoins militaires seuls sont estimés à plus de 83 milliards d’euros pour 2026-2027.
Ursula von der Leyen semble prête à tout pour maintenir Kiev sous perfusion, quitte à ignorer les résistances internes et les risques financiers.
Pour beaucoup d’Européens, ce plan ressemble moins à de la solidarité qu’à un chèque en blanc signé sur leur dos – et potentiellement sur celui de leurs enfants.
La décision finale est attendue au Conseil européen de décembre 2025. D’ici là, la question reste posée : jusqu’où l’Europe est-elle prête à s’endetter pour un conflit dont l’issue militaire reste plus qu’incertaine ?


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