Pour la première fois de son histoire, le G20 s’est installé sur le continent africain, à Johannesburg, les 22 et 23 novembre, au cœur du centre d’exposition NASREC. Organisé sous la présidence sud-africaine, ce sommet a placé les priorités du Sud global au centre des débats, sous le thème « Solidarité, Égalité et Durabilité » .
Avec plus de 1.000 délégués, des représentants des 19 pays membres, de l’Union européenne, et 22 nations invitées,
l’événement a marqué un tournant : l’Union africaine (UA), représentée par son président en exercice, Assoumani Azali des Comores, y fait son entrée comme membre permanent. Une reconnaissance tardive, mais symbolique, pour un continent souvent relégué au rang de figurant dans les arènes mondiales.
Un programme taillé pour le Sud : climat, dette et inégalités en ligne de mire
Dès l’ouverture, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a martelé l’urgence de s’attaquer aux plaies du Sud global : le financement de la transition énergétique juste, la résilience face aux catastrophes climatiques, et la soutenabilité de la dette pour les pays à faible revenu. Les discussions ont porté sur l’accès équitable aux investissements pour le développement, la rétention de la valeur des minerais stratégiques (comme les terres rares et le chrome) dans les économies locales, et le renforcement des mécanismes de soulagement de la dette. Comme le souligne Dirk Kotze, professeur à l’Université d’Afrique du Sud, « ces trois dernières années ont vu les thèmes du Sud global – développement, durabilité, changement climatique et égalité mondiale – attirer bien plus d’attention qu’auparavant sur l’agenda international » .
Parmi les figures notables, le Premier ministre chinois Li Qiang et le vice-président de l’administration présidentielle russe Maksim Oreshkin ont pris part aux échanges, aux côtés des ministres des Affaires étrangères argentins et mexicains. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, quant à lui, a multiplié les bilatérales pour renforcer les liens avec les BRICS.
Ces interactions bilatérales, souvent plus concrètes que les sessions plénières, ont permis d’avancer sur des pistes comme une meilleure coopération pour les énergies propres et un commerce plus équitable, loin des diktats des puissances du Nord.
Sécurité renforcée et contestations en marge
Johannesburg a revêtu son manteau de fer : fermetures de routes, barrages policiers autour du NASREC, et déploiement de 3.500 agents supplémentaires, soutenus par des unités militaires en alerte. Une précaution nécessaire face aux manifestations prévues par des ONG, des militantes des droits des femmes, des activistes climatiques et même des groupes anti-immigration, confinées dans des zones dédiées. Ces tensions en périphérie rappellent que le sommet n’est pas qu’une bulle diplomatique : il reflète les fractures d’un monde où le Sud global peine à imposer son agenda.
Un communiqué en suspens, et l’ombre du boycott américain
À l’issue des deux jours, l’Afrique du Sud vise à publier une déclaration commune finale, fruit de négociations acharnées. Si les avancées sur le climat et les inégalités semblent prometteuses, l’absence de consensus total pèse lourd. Le clou du spectacle : le boycott annoncé par le président américain Donald Trump, qui a qualifié l’événement de « véritable désastre » en raison d’allégations de discrimination raciale contre la minorité blanche en Afrique du Sud. Ramaphosa a balayé ces accusations d’un revers de main : « Ce boycott serait une perte pour les États-Unis eux-mêmes. » Derrière les déclarations officielles, les frictions sont palpables : Washington exerce une pression diplomatique pour bloquer la déclaration commune et imposer des conditions sur le commerce des minerais stratégiques – une demande fermement rejetée par Pretoria.
Ces tensions géopolitiques soulignent un clivage profond : la politique trumpienne s’oppose frontalement à l’agenda du Sud global impulsé par les précédentes présidences (Indonésie, Inde, Brésil) et prolongé par l’Afrique du Sud. Les États-Unis reprochent aussi à Pretoria sa position sur la question palestinienne et ses initiatives devant la Cour internationale de Justice, menaçant même de sanctions. Un commentaire circulant sur les réseaux résume l’absurde : « Un G18 sans les USA et la Chine ? » – même si Pékin était bien représenté.
Vers un G20 plus inclusif, ou un simple coup d’éclat ?
Ce sommet marque un jalon : quatrième présidence rotative confiée à un pays du Sud global, l’Afrique du Sud a réussi à rendre visible les enjeux du continent, de la dette à la transition verte. L’entrée permanente de l’UA renforce l’Afrique dans la gouvernance mondiale, potentiellement pour des réformes plus justes à la Banque mondiale ou au FMI. Mais les implications futures restent incertaines : sans les États-Unis, le communiqué risque d’être édulcoré, et les promesses sur le financement climatique pourraient s’évaporer comme tant d’autres.
Au final, Johannesburg n’a pas révolutionné le G20, mais il l’a humanisé. En plaçant les voix du Sud au premier plan, il rappelle que la solidarité n’est pas un slogan : c’est une nécessité pour un monde qui, sinon, continuera à creuser ses abîmes. Reste à voir si les leaders repartiront avec des actes concrets, ou juste des selfies.


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