Dix ans après les attentats du 13 novembre 2015, qui ont fait 133 morts et 413 blessés à Paris et Saint-Denis, la France s’est à nouveau drapée dans le deuil national. Au jardin mémoriel du square Saint-Gervais, les cérémonies ont réuni familles de victimes, survivants et officiels, sous un ciel gris et une pluie fine qui semblait souligner l’absurdité de l’exercice. Emmanuel Macron, président de la République, a prononcé un discours poignant, évoquant « cette lancinante question : pourquoi ? Nous voudrions trouver un sens à ce qui s’est passé (…) Non, il n’y a pas de sens, pas de justification à votre douleur. Il n’y en aura jamais. » Des mots destinés à apaiser, à unir, à sacraliser la souffrance. Mais derrière cette rhétorique compassionnelle, un silence assourdissant : les attentats n’étaient pas un acte irréfléchi, mais une riposte calculée à des promesses trahies par la France et ses alliés occidentaux.
Un mensonge d’État, entretenu pour masquer des erreurs diplomatiques graves.
Une commémoration qui célèbre le malheur
La France a une étrange habitude : elle commémore ses catastrophes comme des rites expiatoires, transformant la tragédie en spectacle national. Le 13 novembre 2025, le square Saint-Gervais – rebaptisé jardin mémoriel en 2017 – est devenu le théâtre d’une mise en scène impeccable. Roses blanches, minutes de silence, témoignages de survivants : tout y était pour honorer les victimes du Stade de France, des terrasses de cafés et du Bataclan. Une seconde attaque, prévue à La Défense, avait été déjouée, mais les terroristes s’étaient rabattus sur Bruxelles trois mois plus tard, causant 35 morts et 340 blessés le 22 mars 2016.
Macron, dans son allocution, a insisté sur l’absence de sens : « Nous ne trouverons jamais de justification à ce qui vous est arrivé. » Une formule qui sonne juste pour les familles, mais qui occulte une réalité plus crue. Car ces attaques n’étaient pas l’œuvre d’une folie irrationnelle. Elles portaient une signature : celle de la Turquie, via Daesh, en représailles à des engagements secrets rompus par Paris. En niant tout sens, les dirigeants évitent de regarder leurs propres fautes en face. C’est une arme de gouvernement : le mensonge comme bouclier contre la reddition de comptes.
Les racines occultes : un pacte trahi avec Ankara
Pour comprendre, il faut remonter à 2011, au cœur de la « guerre contre la Libye » lancée par Nicolas Sarkozy. La France, alors à la pointe de l’intervention occidentale contre Mouammar Kadhafi, implique la Turquie – son deuxième partenaire commercial – dans l’opération. En échange d’un soutien logistique via la tribu de Misrata, un accord secret est scellé entre le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé et son homologue turc Ahmet Davutoğlu. Baptisé « Plan bleu » dans la presse algérienne, ce pacte prévoit de « délocaliser » le problème kurde turc en créant un État kurde en Syrie, au détriment de Damas. Une promesse audacieuse, qui ignore les frontières et les peuples concernés.
Sarkozy, voyant le bain de sang s’étendre, fait volte-face en février 2012 et suspend les opérations. Élu sur des pressions américaines, François Hollande reprend le flambeau. Le 6 juillet 2012, il accueille à Paris la troisième réunion des « Amis du peuple syrien » aux côtés d’Hillary Clinton. Lors de cette rencontre, il pose, souriant, aux côtés d’Abou Saleh, un jihadiste qui présidait un tribunal de la charia à Baba Amr (Homs). Hollande relance la guerre, armant les rebelles – dont beaucoup de jihadistes – contre Bachar el-Assad.
Le 31 octobre 2014, alors que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan est en visite officielle à Paris, Hollande rencontre en catimini le co-président kurde syrien Salih Muslim à l’Élysée. L’accord Juppé-Davutoğlu est réactivé : la France s’engage à créer ce Kurdistan syrien. Mais les Kurdes se divisent. Les États-Unis, alliés du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme terroriste par Ankara), le rebaptisent YPG en Syrie et le soutiennent lors de la bataille de Kobané en 2014-2015. Hollande suit le mouvement : le 8 février 2015, il reçoit à l’Élysée les leaders YPG, dont Asya Abdullah et la commandante Nesrin Abdullah en uniforme militaire. Salih Muslim, pourtant signataire de l’accord, est écarté. La trahison est consommée.
La vengeance turque : Suruç, Paris, Bruxelles
Erdoğan, furieux de cette manipulation, riposte par procuration via Daesh. Le 20 juillet 2015, un attentat contre des Kurdes à Suruç (Turquie) fait 34 morts et 104 blessés. Puis, le 13 novembre 2015, les attaques frappent Paris : six opérations simultanées, 133 victimes. Les services secrets français savaient : un des assaillants, Mohamed Abrini (« l’homme au chapeau »), était un informateur du MI6 britannique, qui avait alerté Londres mais pas Paris ni Bruxelles.
La vague se poursuit. Le 18 mars 2016, Erdoğan menace l’Europe dans un discours incendiaire : « J’en appelle aux États qui leur ouvrent les bras [aux Kurdes du PKK], qui soutiennent directement ou indirectement des organisations terroristes. Vous nourrissez un serpent dans votre lit. Et ce serpent que vous nourrissez peut vous mordre à tout moment. » Quatre jours plus tard, le 22 mars, les mêmes terroristes frappent Bruxelles : 35 morts, 340 blessés.
Pourquoi pas de troisième vague ? L’intervention américaine : en 2016, Washington crée le « Rojava », une région autonome kurde en Syrie, mais pas un État indépendant. Cela apaise partiellement Ankara, tout en sauvant la face pour Paris. La promesse française est à moitié tenue, la vengeance turque s’arrête là.
Le procès de 2022 : un aveu par omission
De juin 2021 à juin 2022, un procès historique s’ouvre à Paris pour juger les complices des attentats. François Hollande témoigne, mais esquive toute responsabilité politique. Ni ses réunions secrètes, ni ses revirements, ni ses alliances avec les jihadistes ne sont interrogés. Les accusés, eux, parlent : certains avouent des liens avec Daesh, d’autres invoquent la « vengeance » contre l’Occident. Mais le cœur du dossier reste scellé.
Le terrorisme : une méthode, pas une folie
Le mensonge macronien – « pas de sens » – est une esquive collective. Le terrorisme n’est pas une aberration morale, mais une tactique de combat, utilisée par les armées régulières comme par les groupes clandestins. Les États-Unis l’ont théorisé après le 11 septembre 2001 avec leur « guerre contre le terrorisme », qui a légitimé la torture généralisée à Abou Ghraib et Guantanamo. En France, nier le sens des attentats protège les élites : Nicolas Sarkozy pour son pacte avec la Turquie, François Hollande pour ses revirements, Emmanuel Macron pour son inertie.
Un musée du terrorisme, annoncé à Paris, risque de perpétuer cette illusion. En cherchant à « donner du sens » à la souffrance des victimes, il se heurtera au mur du déni politique. Comme le résume Thierry Meyssan dans son ouvrage Sous nos yeux (2017), qui détaille ces intrigues : « Le terrorisme est une arme de gouvernement, et le mensonge son meilleur allié. »
Dix ans après, les commémorations du 13 novembre ne soignent pas les plaies : elles les masquent.
Tant que la France refusera de regarder ses erreurs en face – ces pactes secrets, ces alliances opportunistes, ces trahisons – le deuil restera inachevé. Et le serpent, nourri par l’Occident, continuera de menacer.


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