Paris, 23 novembre 2025 – Dans une démocratie qui se veut exemplaire, la liberté de la presse reste un principe intangible. Du moins en théorie. Sur le terrain, les médias alternatifs et dissidents – ceux qui osent questionner le narratif dominant – font face à une offensive méthodique : invisibilisation algorithmique, pressions économiques et judiciaires, harcèlement ciblé. L’affaire récente impliquant le média en ligne Frontières et le collectif Sleeping Giants n’est que la dernière illustration d’un phénomène insidieux, orchestré par des acteurs publics et privés alignés sur les intérêts de l’oligarchie au pouvoir.
Une stratégie qui vise à asphyxier financièrement ces voix rebelles, les reléguant au rang de parias numériques.
Sleeping Giants : la censure économique en mode furtif
Nés aux États-Unis en 2016 dans le sillage de l’élection de Donald Trump, les Sleeping Giants se présentent comme un « collectif citoyen » luttant contre le « financement du discours de haine » . En pratique, leur modus operandi est clair : interpellations publiques sur les réseaux sociaux pour signaler la présence de publicités d’entreprises sur des sites jugés « problématiques » .
Résultat ? Les annonceurs, craignant le bad buzz, coupent les vivres. En France, plus de 2.000 marques ont déjà cédé depuis le début de leurs activités, selon leurs propres déclarations.
Le 17 novembre dernier, le groupe a remis ça avec Frontières, média d’enquêtes et de reportages indépendant, successeur de Livre Noir et connu pour ses analyses critiques sur l’immigration et les enjeux identitaires. Sur X, une publication lapidaire : « Leroy Merlin, votre pub apparaît sur le site abject de Frontières, obnubilé par l’immigration, qui vend du merch avec le slogan xénophobe du FN/RN et de Génération Identitaire et qui est accusé de diffamer des ONG de défense des droits humains. Est-ce OK ? » Accompagné d’une capture d’écran montrant une pub de l’enseigne de bricolage aux côtés d’un t-shirt arborant « On est chez nous » .
Leroy Merlin n’a pas traîné : « Nous ne cautionnons en aucun cas les propos tenus sur cette plateforme. Le site a été ajouté à notre liste de blocage publicitaire. » Fin de l’histoire pour cette marque, mais début d’une offensive plus large. Le collectif a enchaîné avec Auchan, Verisure, Orange et Hugo Boss, appelant même les internautes à signaler d’autres pubs : « Vous pouvez nous aider ! Les marques ignorent que leur pub passe sur le site abject de Frontières. »
Erik Tegnér, directeur de la rédaction de Frontières, dénonce une « campagne de déstabilisation » purement politique : « L’objectif est très simple : nous assécher financièrement. Les Sleeping Giants avaient déjà fait ça en 2019 contre CNews en forçant des entreprises à se retirer de l’émission de Christine Kelly pour la présence d’Éric Zemmour. » Et cette fois, ils ne sont pas seuls : des députés LFI, comme Thomas Portes, ont publiquement soutenu l’opération, qualifiant Frontières de « site qui distille la haine » et appelant à stigmatiser les musulmans.
Une vague de soutiens et un effet Streisand massif
Loin de plier, Frontières a transformé l’attaque en triomphe viral. Le tweet des Sleeping Giants a dépassé les 22 millions de vues, générant une « vague de soutiens inédite » : internautes annulant des devis chez Leroy Merlin, appels au boycott de l’enseigne, et messages de solidarité de figures comme Philippe de Villiers, lui-même victime passée du collectif.
La droite et « l’extrême droite » n’ont pas tardé à réagir. Sébastien Chenu (RN) dénonce des « méthodes déloyales par la pression, l’asphyxie financière, l’intimidation ». Guillaume Bigot (RN) y voit une « chasse aux sorcières et une ségrégation pratiquée par la gauche qui hurle au fascisme ». Éric Ciotti (UDR, allié RN) parle de « soumission honteuse à l’extrême gauche ». Même Anne Sicard (RN) a mobilisé ses collègues pour un tweet collectif condamnant la censure.
Cet « effet Streisand » – où la tentative de censure amplifie la visibilité – a propulsé Frontières en tête des tendances X, avec des milliers de nouveaux abonnés et un bad buzz pour Leroy Merlin.
L’enseigne, déjà critiquée pour son engagement pro-immigration, se retrouve accusée d’être une « entreprise politique et politisée d’extrême gauche ».
Un écosystème de censure : du shadow banning à l’ARCOM
Cette affaire n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un arsenal plus large contre la presse dissidente. D’abord, le shadow banning : pratique déniée par les plateformes mais largement documentée, qui réduit la visibilité des contenus sans notification. Avant le rachat de Twitter par Elon Musk, des comptes conservateurs ou de droite étaient rendus « invisibles » via algorithmes ou modération humaine, entraînant une chute d’engagement et de followers. Sur YouTube, des chaînes comme TV Liberté, approchant le million d’abonnés, voient leurs vidéos mises en avant de manière aléatoire, malgré des millions de vues cumulées.
Ensuite, les médias publics, financés par l’impôt, mènent l’offensive judiciaire. Mardi 18 novembre, Radio France et France Télévisions ont assigné en justice CNews, Europe 1 et le JDD pour « dénigrement » , suite à l’affaire « Le Grand Cohen » révélant des connivences entre journalistes d’État et le PS. Les patrons Sibyle Veil et Delphine Ernotte dénoncent des « propos virulents et ciblés ». Ironie : ces mêmes médias publics s’autorisent des attaques sous la ceinture contre la droite – comme des sketches moqueurs qualifiés d’« humour » –, sans risquer de sanctions pour « harcèlement sexiste ».
L’ARCOM (ex-CSA) complète le tableau. Début novembre, le Conseil d’État a confirmé une amende de 20.000 € contre CNews pour diffusion sans contradicteur de propos « climatosceptiques ». Aucune mesure similaire n’est prise contre les opinions de gauche sur les ondes publiques.
Enfin, l’exécutif monte au créneau. Le 12 novembre, Emmanuel Macron appelait à « des mécanismes pour avoir de la visibilité sur les algorithmes » et à « chasser les faux comptes », sous prétexte de lutter contre les « fausses informations ». Derrière la rhétorique de la « responsabilisation », c’est une chasse au pluralisme qui se profile : qui définira le « vrai » et le « faux » ? Des experts comme Raphaël Glucksmann ou Xavier Bertrand, partisans d’une modération accrue ?
Une menace pour la démocratie : sans contrepouvoir, pas de vérité
Ces manœuvres ne visent pas seulement des médias isolés ; elles sapent le pluralisme essentiel à toute démocratie.
Sans presse alternative, pas de couverture du Covid hors narratif officiel, pas de médiatisation de l’assassinat de Thomas Perrier par un clandestin, pas de voix pour dénoncer les dérapages du pouvoir.
Les Sleeping Giants et leurs alliés veulent « faire place nette », confisquant le narratif aux élites.
Pourtant, la résistance s’organise. Avec près d’un million d’abonnés sur YouTube et des millions de vues, les médias dissidents comme Frontières ou TV Liberté prouvent que la vérité, même marginalisée, finit par percer. Soutenus par des donateurs indépendants – pas de pubs, pas de subventions, pas d’actionnaires –, ils incarnent un journalisme libre, enquêteur et crédible après des années de terrain.
L’affaire Sleeping Giants contre Frontières n’est pas une victoire pour la censure : c’est un boomerang.
En tentant de rendre invisible, on rend plus visible. Et en 2025, la France a plus que jamais besoin de ces voix qui osent dire ce que les puissants taisent. Car sans elles, la « démocratie » n’est plus qu’un mot vide.


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