Face à une flambée de dermatose nodulaire qui frappe durement le cheptel du Sud-Ouest et attise la colère des agriculteurs, le gouvernement a pris une décision sans précédent en temps de paix : déployer l’armée française. Une opération logistique et sanitaire d’envergure, baptisée en coulisses, pour vacciner en urgence 750 000 bovins en un mois, tenter d’endiguer le virus et, surtout, éteindre l’incendie social qui menace de se propager.
Un Airbus A400M chargé de vaccins
C’est un spectacle inhabituel qui s’est déroulé sur la base aérienne de Toulouse cette semaine. Un Airbus A400M de l’armée de l’Air, habitué aux théâtres d’opérations extérieures, y a déchargé non pas du matériel de guerre, mais des centaines de milliers de doses de vaccins vétérinaires.
« La France a déployé ses militaires pour conduire et accélérer la vaccination du bétail », confirme-t-on dans un communiqué des armées.
La colère des campagnes : de l’abattage aux barrages
La racine du mécontentement est profonde. La politique stricte d’abattage systématique des troupeaux infectés, jugée nécessaire par l’État pour éviter une contagion nationale, a été vécue comme une amputation insupportable par les éleveurs. Pour eux, c’est l’équivalent d’une condamnation à mort pour leur outil de travail.
Les barrages routiers ont rapidement poussé sur les axes du Gers, de l’Ariège ou encore en Île-de-France, soutenu par le syndicat « Confédération paysanne » et nourri par une frustration bien plus ancienne liée à la concurrence internationale et au sentiment d’abandon. Face à cette double crise, sanitaire et de confiance, l’exécutif a choisi la réponse forte.
« Le rôle des militaires sera particulièrement crucial dans le département de l’Ariège, où les vétérinaires civils sont rares », souligne un officier.
Plusieurs dizaines de vétérinaires militaires sont ainsi envoyés en renfort sur le terrain, tandis que des soldats viennent épauler les équipes civiles. L’objectif est clair : remplacer la logique du fusil par celle de la seringue, et offrir une échappatoire aux agriculteurs pris au piège.
Macron lie la crise au Mercosur
Cette mobilisation hors norme ne doit pas faire oublier les fondamentaux politiques de la colère. Alors que des agriculteurs français manifestaient ce jeudi à Bruxelles, le président de la République a haussé le ton en conditionnant tout accord au traité de libre-échange UE-Mercosur à des « garanties renforcées » pour nos producteurs. Ce coup de poker diplomatique vise directement à calmer les esprits à l’intérieur, en associant la crise épidémique actuelle au grand combat contre la concurrence faussée.
La vaccination de masse orchestrée par l’armée est une course contre la montre. Tenir le calendrier d’un mois serait une victoire opérationnelle. Mais l’apaisement durable des campagnes françaises ne pourra s’inscrire que dans la durée. La preuve tangible que Paris peut, au-delà des interventions d’urgence, défendre son modèle agricole face à la mondialisation, reste à apporter.
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