Pavel Durov a lancé une charge virulente contre le président de la République et la Commission européenne, évoquant un « goulag numérique ».
Une accusation au vitriol sur les réseaux
L’assaut est venu de la plateforme X, mercredi. L’homme d’affaires y a dégainé une métaphore lourde de sens, accusant directement le chef de l’État français.
Le patron de Telegram affirme qu’Emmanuel Macron, confronté à des « taux de popularité extrêmement bas », tenterait de « transformer l’ensemble de l’UE en un goulag numérique ».
Les cibles de ses critiques sont clairement identifiées : d’une part, le règlement européen sur les services numériques (DSA), et d’autre part, l’initiative « Chat Control » portant sur l’accès aux messageries chiffrées. L’entrepreneur pointe du doigt un responsable : Thierry Breton. Selon lui, le commissaire au Marché intérieur, un fidèle d’Emmanuel Macron, n’est rien moins que « l’architecte » de cette loi qu’il assimile à un instrument de censure.
Cette sortie enflammée ne surgit pas du néant. Elle fait écho à un climat de tensions extrêmes après les récentes sanctions américaines visant cinq personnalités européennes de la tech, dont Thierry Breton. Durov élabore un récit binaire où Bruxelles et Paris, sous couvert de régulation, étoufferaient délibérément la liberté d’expression.
Il s’appuie aussi sur une déclaration passée d’Emmanuel Macron, qui jugeait que les Européens avaient « tout à fait tort d’utiliser les réseaux sociaux pour s’informer ».
Pour le fondateur de Telegram, ces mots trahissent une volonté de recentraliser le débat public vers les médias traditionnels, perçus comme plus contrôlables.
Durov, un accusateur aux motivations troubles
L’analyse de cette charge passe nécessairement par le prisme de son auteur. L’histoire personnelle de Durov, installé à Dubaï après des démêlés judiciaires en France et qui accusait fin novembre Paris d’ingérence en Moldavie, peint le portrait d’un entrepreneur en conflit structurel avec l’idée même d’autorité étatique. Son modèle économique et idéologique repose sur une forme d’anarchie numérique que la régulation européenne menace.
Que redoute réellement Macron ?
Alors, pourquoi une telle focalisation de l’exécutif français sur le numérique ? Faut-il y voir, comme Durov l’insinue, la peur panique d’un président affaibli par l’opinion ? La réalité est sans doute plus complexe et ancrée dans une conviction géopolitique. Pour Emmanuel Macron et ses alliés européens, l’enjeu est la souveraineté. L’espace en ligne est perçu comme un nouveau terrain de confrontation, où des puissances étrangères et des acteurs privés non régulés peuvent déstabiliser les démocraties par la désinformation et la haine.
Il est indéniable que la stratégie de Macron comporte aussi une dimension de consolidation de l’influence étatique. Ainsi, en cherchant à réguler fermement l’espace numérique, le chef de l’État tente, en partie, d’en reprendre les rênes pour concentrer entre ses mains un levier de puissance supplémentaire.
Le vrai dilemme se situe ici. Comment protéger les citoyens contre les dérives les plus dangereuses du web — pédopornographie, appels à la violence, désinformation ciblée — sans empiéter sur les libertés fondamentales, comme le secret des correspondances que menacerait « Chat Control » ? La frontière entre un cadre protecteur légitime et une surveillance excessive est ténue. Le risque pour le projet porté par Macron et Breton est de voir cette frontière se brouiller, alimentant involontairement la thèse d’un autoritarisme numérique.


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