Santé publique en France : l’effondrement d’un géant, fruit de décennies de mauvaises recettes politiques
Paris, 3 mars 2025 – Il fut un temps où le système de santé français faisait des envieux. Classé premier mondial par l’OMS en 2000, il était la vitrine d’un modèle social admiré, alliant accès universel et qualité des soins. Aujourd’hui, c’est une tout autre histoire. Urgences saturées, déserts médicaux qui s’étendent, soignants à bout de souffle : le service public de santé s’effondre sous nos yeux. Mais comment en est-on arrivé là ? Retour sur des décennies de politiques mal inspirées qui ont transformé un joyau en un malade chronique.
Les années 70 : quand tout a basculé
Remontons aux origines du mal. Dans les années 1970, alors que la France profite encore des Trente Glorieuses, une idée germe dans les couloirs de Bercy : il y a trop de médecins, trop de soins, donc trop de dépenses. En 1971, le numerus clausus voit le jour, un quota strict pour limiter les étudiants en médecine. L’objectif ? Maîtriser les coûts en réduisant « l’offre » de soins, dans une logique économique simpliste : moins de docteurs, moins de consultations. « C’était débile, mais c’est passé », confie un ancien haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat. Résultat : dès les années 90, les premières pénuries de médecins pointent leur nez, surtout dans les campagnes.
Pendant ce temps, l’hôpital public devient une cible. Les réformes successives imposent des restrictions budgétaires sous prétexte d’efficacité. On ferme des lits, on rationalise, on introduit la tarification à l’activité (T2A) en 2004, transformant les établissements en usines à soins. « On a demandé aux hôpitaux de fonctionner comme des entreprises, mais sans leur donner les moyens », dénonce Sophie, infirmière à Saint-Denis, 20 ans de carrière au compteur.
Les années 2000 : l’austérité comme remède miracle
Avec l’entrée dans l’euro en 1999, la pression s’accentue. Les critères de Maastricht – déficit sous les 3 % du PIB – deviennent le mantra des gouvernements, de droite comme de gauche. La santé publique trinque. Entre 2000 et 2020, 80 000 lits d’hôpitaux ferment, selon la DREES, dont 26 000 sous Hollande et Macron. « On a sacrifié des capacités au nom de la rigueur budgétaire, sans anticiper le vieillissement de la population », peste François, urgentiste à Lille. Les soignants, eux, voient leurs salaires stagner et leurs conditions se dégrader. Résultat : une fuite vers le privé ou l’étranger.
Les déserts médicaux explosent. En 2025, 87 % du territoire manque de médecins, selon David Lisnard, maire de Cannes et président de l’Association des maires de France. Les généralistes, piliers des soins de proximité, disparaissent des zones rurales, laissées à l’abandon par une politique qui n’a jamais su les retenir. « On a libéralisé sans réguler, et voilà le carnage », lâche un élu local du Lot.
Les années Macron : pansements sur une jambe cassée
Arrive Emmanuel Macron en 2017, avec ses promesses de « réinventer » la santé. Le Ségur de la santé en 2020, vendu comme une révolution post-Covid, débloque 8 milliards pour revaloriser les salaires. Mais l’effet est limité. « Cinq euros de plus par heure pour des internes qui bossent 70 heures par semaine, c’est une blague », raille Pierre, interne à Paris. Les fermetures de lits continuent – 2600 en 2023 –, et les urgences publiques, à 22 % incapables d’assurer un accueil continu, sont au bord de l’asphyxie.
Pire, la crise ukrainienne révèle les limites du système. Macron veut jouer les leaders européens, promettant des milliards et des troupes pour Kyiv, mais les caisses sont vides. Avec une dette de 3200 milliards d’euros, la France n’a plus les moyens de ses ambitions. « On ne peut pas financer une guerre à l’Est et soigner nos gosses ici », s’insurge Marie, aide-soignante à Marseille.
Un système broyé par l’idéologie
Derrière ces chiffres, une constante : l’obsession du « moins d’État » et de la rentabilité. Les gouvernements ont délégué au privé ce que le public ne pouvait plus assumer, creusant les inégalités. Les plus précaires, premières victimes, se retrouvent sans accès aux soins, comme le dénonçait Médecins du Monde en 2022. Pendant ce temps, les soignants tiennent encore, par vocation. « C’est grâce à eux que ça n’a pas déjà craqué », souffle Philippe Pellegrini, syndicaliste CGT au CHU de Nice.
Mais pour combien de temps ? L’effondrement n’est pas une fatalité, mais le fruit de choix politiques. Refuser de réguler les médecins, privilégier l’austérité sur l’investissement, ignorer les alertes des blouses blanches : voilà le diagnostic. Reste à savoir si la France trouvera un jour le courage de se soigner elle-même. Pour l’instant, le pronostic est réservé.
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