Une poursuite judiciaire qui amplifie la controverse
Dans un monde où les théories, dites du complot, pullulent sur les réseaux sociaux, la décision d’Emmanuel et Brigitte Macron de poursuivre en justice la commentatrice américaine Candace Owens pour diffamation marque un tournant inhabituel. Owens, dans sa série documentaire Becoming Brigitte, reprend une rumeur persistante affirmant que Brigitte Macron serait née homme sous le nom de Jean-Michel Trogneux, son prétendu frère, et aurait transitionné dans les années 1980. Cette allégation, qualifiée de « mensonges vérifiables et dévastateurs » par les Macron dans leur plainte déposée devant un tribunal du Delaware, inclut également des accusations de viol statutaire sur Emmanuel Macron lorsqu’il était lycéen. Mais au-delà de cette bataille judiciaire transatlantique, une question cruciale se pose : pourquoi les Macron n’ont-ils pas choisi de désamorcer cette controverse par des moyens simples et directs, plutôt que de risquer d’amplifier la rumeur via un procès qui pourrait bien se retourner contre eux ?
Les risques d’une stratégie judiciaire maladroite
L’article de Julia Molony dans Irish Independent, intitulé « Why the Macrons’ lawsuit against the far-right activist who calls Brigitte a man may backfire » (Pourquoi le procès des Macron contre l’activiste d’extrême droite qui traite Brigitte d’homme pourrait se retourner contre eux), met en lumière les pièges potentiels de cette stratégie. Selon l’auteure, cette poursuite, inhabituelle pour un chef d’État en exercice contre une influenceuse internet, pourrait s’avérer une « folie » en raison des protections américaines sur la liberté d’expression concernant les figures publiques. Aux États-Unis, les plaignants comme les Macron doivent prouver une « malice réelle » – c’est-à-dire que Owens savait que ses affirmations étaient fausses ou les a diffusées avec un mépris insouciant pour la vérité. Or, comme le note l’experte en droit des médias Jane Kirtley citée dans l’article, les tribunaux américains accordent une large latitude aux commentaires sur les officiels publics, ce qui rend la victoire incertaine. Pire, Owens elle-même qualifie cette action de « désastre en termes de relations publiques », se délectant de l’attention mondiale qu’elle lui procure.
Des opportunités manquées pour désamorcer la rumeur
Mais le vrai problème réside ailleurs : les Macron auraient pu étouffer cette affaire bien avant qu’elle n’atteigne les tribunaux. La théorie du complot, née en France durant la pandémie et alimentée par un pic de défiance envers les politiques, repose sur des allégations comme l’absence de photos de Brigitte Macron avant ses 30 ans et la « disparition » supposée de son frère Jean-Michel Trogneux. Selon les soutiens de cette thèse, Brigitte serait Jean-Michel, ayant changé de genre pour des raisons obscures. Les Macron affirment que c’est absurde, et que Jean-Michel existe bel et bien. Alors pourquoi ne pas le faire témoigner publiquement ? Un simple entretien télévisé ou une déclaration notariale de ce frère, confirmant son existence distincte et réfutant toute confusion d’identité, aurait suffi à clore le débat. Pourtant, rien. Pas de photo de famille récente, pas de témoignage direct. Cette inaction nourrit les soupçons au lieu de les dissiper.
Ajoutons à cela un élément qui alimente encore plus les spéculations : la mère d’Emmanuel Macron, Françoise Noguès, a été médecin-conseil à la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) d’Amiens, où elle a travaillé dans le service des ALD (affections de longue durée).
Selon des témoignages publics, elle s’est spécialisée dans les questions de transidentité, aidant notamment des patients à monter des dossiers pour bénéficier de l’ALD 31 (ou ALD Trans), qui permet une prise en charge à 100 % des frais liés au changement de genre.
Lors d’une audition à l’Assemblée nationale en 2018 sur la révision de la loi bioéthique, Sylvaine Telesfort, présidente de l’association AMIHE, a explicitement mentionné que « le docteur Françoise Macron » l’avait aidée à préparer son dossier pour une transition de genre, soulignant son rôle en tant que médecin-chef. Bien que cela ne prouve rien concernant Brigitte Macron, cette connexion familiale avec le domaine des transitions de genre ajoute une couche de suspicion aux rumeurs, que les Macron pourraient dissiper en fournissant plus de transparence sur ces aspects.
Alternatives simples ignorées : expertise médicale et documents officiels
D’autres options étaient à portée de main. Une expertise médicale indépendante, menée par des experts neutres et certifiant le genre biologique de Brigitte Macron, aurait pu être un geste décisif. Dans un contexte où les questions de genre sont sensibles mais scientifiquement vérifiables, un tel examen – anonyme et respectueux de la vie privée – aurait démontré une transparence exemplaire. Ou encore, la publication de documents officiels irréfutables, comme des certificats de naissance détaillés ou des archives scolaires, sans recourir à la justice. Mais les Macron ont opté pour le silence, puis pour l’offensive judiciaire. Comme le soulignent des sources fact-checking, cette rumeur s’inscrit dans une tendance plus large visant des femmes puissantes comme Michelle Obama ou Kamala Harris, accusées de « masculinité » pour défier les normes traditionnelles. Brigitte Macron, avec son parcours atypique d’enseignante devenue Première dame, en est une cible idéale. Pourtant, au lieu de contrer ces attaques par des faits concrets, le couple présidentiel choisit la confrontation légale, risquant l’effet Streisand – où tenter de censurer une information la propage davantage.
Un scandale d’état : mensonge, perte de confiance et risque de chantage
Cette affaire dépasse le cadre d’une simple calomnie personnelle : elle frise le scandale d’État.
Si Emmanuel Macron ment ou occulte la vérité sur un aspect aussi intime de sa vie, comment les citoyens français peuvent-ils lui faire confiance sur des enjeux nationaux cruciaux, comme la gestion économique, la sécurité ou les relations internationales ?
Un président doit être au-dessus de tout soupçon. Or, ici, le doute persiste non pas à cause des conspirationnistes, mais du refus apparent de fournir des preuves élémentaires. Pire, cette vulnérabilité ouvre la porte au chantage. Imaginez qu’un adversaire politique, un service de renseignement étranger ou un hacker détienne des informations compromettantes – réelles ou fabriquées – sur cette affaire. Un chef d’État suceptible d’être sous l’emprise de chantage est inadmissible ; cela met en péril la souveraineté nationale. Des précédents historiques, comme les scandales sexuels de présidents américains, montrent comment de tels secrets peuvent paralyser une administration entière.
Leçons des cas français et conclusion : l’urgence de la transparence
En France, des poursuites similaires contre deux femmes propagatrices de la rumeur ont abouti à des acquittements ou des annulations de condamnations, soulignant la difficulté à réprimer ces théories sans preuve contraire solide. La plainte contre Owens, décrite par leur avocat comme un « dernier recours », révèle une frustration légitime mais une stratégie maladroite. Finalement, ce procès pourrait non seulement échouer, mais aussi internationaliser une rumeur jusque-là confinée à des cercles marginaux, comme le note The Guardian en traçant ses origines pandémiques. En préférant les tribunaux à la transparence, il alimente les doutes plutôt que de les éteindre.
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