Le 25 avril 2025, le tribunal de police de La Roche-sur-Yon a relaxé cinq boulangers du secteur de Montaigu, en Vendée, sanctionnés en 2024 pour avoir fait travailler leurs salariés le 1er mai, jour férié emblématique en France. Cette décision, saluée par la profession, ravive un débat passionné sur la liberté de travailler, le droit à un salaire doublé pour certains employés et la portée symbolique du 1er mai, acquis social historique de la gauche, particulièrement défendu par l’extrême gauche, dont La France Insoumise (LFI).
Le 1er mai, un symbole sacré pour la gauche
En France, le 1er mai est bien plus qu’un simple jour férié : il est le symbole des luttes ouvrières, consacré comme jour chômé depuis 1948, en hommage aux combats syndicaux pour les droits des travailleurs.
En effet, c’est le maréchal Pétain qui instaura officiellement par la loi Belin, le 1er mai comme « la fête du Travail et de la Concorde sociale », appliquant ainsi la devise Travail, Famille, Patrie : par son refus à la fois du capitalisme et du socialisme, le régime pétainiste recherchait ainsi une troisième voie fondée sur le corporatisme, débaptisant « la fête des travailleurs » qui faisait trop référence à la lutte des classes.
Cet acquis social, « paradoxalement » profondément ancré dans l’histoire de la gauche, est particulièrement cher à l’extrême gauche, qui y voit une conquête arrachée « dans le sang et les larmes », selon les mots de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.
La France Insoumise (LFI) adopte une position particulièrement virulente sur la question. Pour LFI, toute tentative d’assouplir les règles interdisant le travail salarié le 1er mai est une attaque contre les droits des travailleurs. Le parti s’oppose fermement à toute dérogation, y compris pour des secteurs comme la boulangerie. Dans un communiqué d’avril 2025, LFI a dénoncé les « dérives libérales » visant à « banaliser le travail le 1er mai », accusant le gouvernement et les élus de droite de vouloir « sacrifier les acquis sociaux sur l’autel du profit ». Cette rhétorique incendiaire reflète l’attachement de LFI à la préservation du caractère sacré et chômé de cette journée, perçue comme un rempart contre la précarisation des salariés.
Une relaxe qui rouvre le débat sur la liberté de travailler
L’affaire des boulangers vendéens met en lumière une tension entre la défense des acquis sociaux et la revendication d’une plus grande liberté de travailler. En 2024, les cinq boulangers avaient été verbalisés pour avoir enfreint l’article L3133-4 du Code du travail, qui interdit aux employeurs de faire travailler leurs salariés le 1er mai, sauf dans des secteurs essentiels. L’amende encourue s’élevait à 750 euros par salarié, doublée à 1 500 euros pour les mineurs.
La relaxe, obtenue grâce à une défense arguant que certaines dérogations existaient (par exemple, pour la livraison d’établissements comme les Ehpad), a été accueillie avec soulagement par la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF). Aurélien Allaizeau, président de la fédération vendéenne, a déclaré : « On a gagné une bataille, mais la guerre n’est pas terminée. » Cette décision a amplifié les appels à une réforme législative pour permettre aux boulangeries, et potentiellement à d’autres commerces comme les fleuristes, d’employer des salariés volontaires le 1er mai.
La nécessité d’un salaire doublé et la réalité économique
Pour les salariés, travailler le 1er mai n’est pas anodin : le Code du travail prévoit un salaire doublé, une mesure visant à compenser l’exception que représente ce jour férié. Cette disposition attire certains employés, notamment dans un contexte économique difficile où le pouvoir d’achat est une préoccupation majeure. Dominique Anract, président de la CNBPF, souligne que « beaucoup de salariés seraient d’accord pour travailler le 1er mai, parce que ce jour est payé double », insistant sur le caractère volontaire de cette démarche.
Pour les boulangers, le 1er mai représente une opportunité économique significative. Selon la CNBPF, cette journée génère environ 70 millions d’euros de chiffre d’affaires pour la profession, dont 10 millions d’euros de taxes pour l’État. Dans les zones touristiques, l’impact est encore plus marqué, les clients étant nombreux à rechercher pains et pâtisseries. Mona Laurent, co-gérante d’une boulangerie à Plogonnec (Finistère), exprime son désarroi face à l’obligation de fermer : « C’est une belle journée où on réalise un chiffre d’affaires équivalent à celui d’un gros dimanche. »
Une proposition de loi pour clarifier la situation
Face à cette polémique, une proposition de loi portée par les sénateurs centristes Annick Billon et Hervé Marseille a été déposée le 25 avril 2025. Ce texte vise à permettre aux établissements autorisés à ouvrir le dimanche, comme les boulangeries et les fleuristes, de faire travailler leurs salariés le 1er mai, sur la base du volontariat. Soutenu par la ministre du Travail, Catherine Vautrin, qui insiste sur « le respect absolu du volontariat » et la nécessité de « sécuriser le droit », ce projet ambitionne de clarifier une situation juridique floue, marquée par une dérogation ministérielle de 1986 rendue obsolète par une décision de la Cour de cassation en 2006.
Cependant, cette initiative suscite l’opposition farouche de la gauche et des syndicats. La CGT, soutenue par LFI, craint que cet assouplissement ne soit le prélude à une libéralisation plus large, comparable à celle du travail dominical. Sophie Binet a martelé : « Il y a 364 autres jours pour ouvrir. Le 1er mai, c’est férié, c’est chômé, c’est un conquis de la lutte. »
Une résistance vendéenne dans la lignée de l’histoire
L’affaire des boulangers vendéens illustre un clivage entre la défense des acquis sociaux et les aspirations à plus de flexibilité économique. D’un côté, la gauche, et particulièrement LFI, brandit le 1er mai comme un symbole intouchable des droits des travailleurs. De l’autre, les artisans plaident pour une liberté de travailler présente dans beaucoup de pays, soutenus par le double salaire et le volontariat. La proposition de loi sénatoriale pourrait clarifier les règles, mais elle devra naviguer dans un débat où le 1er mai reste, pour beaucoup, un jour sacré.
Ce conflit résonne particulièrement en Vendée, terre au caractère trempé, marquée par une histoire de résistance farouche à l’autorité républicaine. Lors des guerres de Vendée (1793-1796), les Vendéens, attachés à leurs traditions et à leur autonomie, s’opposèrent violemment à la République, subissant une répression extrêmement brutale, parfois qualifiée de génocide par certains historiens. Cette relaxe des boulangers, défiant une réglementation perçue comme rigide, s’inscrit dans cet héritage d’indépendance vendéenne, où la défense des libertés locales et professionnelles face à l’État centralisateur, reste une constante.
Laisser un commentaire