Paris, 20 novembre 2025 – La France est officiellement entrée dans une crise budgétaire sans précédent. Ce mercredi, les députés de la commission des Finances ont rejeté en bloc la partie « dépenses » du projet de loi de finances pour 2026. Un camouflet cinglant pour le gouvernement Lecornu, déjà fragilisé par le rejet quasi unanime, la semaine dernière, de la partie « recettes ».
Pour la première fois depuis 1958, les deux volets du budget de l’État sont repoussés par le Parlement.
Un rejet net et sans appel
Sur les 73 membres de la commission, seuls les macronistes et quelques LR ont soutenu le texte. Socialistes, écologistes, communistes, Insoumis et Rassemblement national ont voté contre ou se sont abstenus. Résultat : 41 voix contre, 26 pour, 6 abstentions. Le texte est renvoyé en séance publique dans une version encore plus amputée que prévu.
Le déficit prévu pour 2026, initialement à 4,7 % du PIB dans le projet gouvernemental, a été gonflé à 5,3 % par les amendements adoptés avant le double rejet. Un chiffre qui fait bondir Bruxelles et les agences de notation.
Lecornu tend la main… surtout aux socialistes
Face au mur, le Premier ministre a changé de ton. Lundi, dans une allocution solennelle, Sébastien Lecornu a dévoilé « cinq priorités absolues » censées rallier une majorité :
- Ramener le déficit sous les 5 % du PIB
- Réforme de l’État et décentralisation
- Souveraineté énergétique
- Soutien à l’agriculture (en pleine crise Mercosur)
- Sécurité intérieure et extérieure (hausse de 3,5 Md€ pour la Défense)
Mais la main tendue va surtout vers le Parti socialiste. Après avoir écarté LFI et le RN (« certains partis préfèrent le cynisme électoral au compromis »), Lecornu multiplie les consultations avec Olivier Faure et Boris Vallaud. Objectif : obtenir l’abstention bienveillante, voire le soutien discret, d’une partie des députés PS sur certains articles.
Macron joue l’optimisme de façade
Depuis l’Élysée, Emmanuel Macron a tenté de désamorcer la crise ce matin :
« J’ai bon espoir que les forces parlementaires sauront se hisser à la hauteur des enjeux. C’est à elles, pas au président, de voter le budget. »
Avant d’ajouter, plus incisif :
« Certains candidats à la présidentielle estiment que le compromis n’est pas compatible avec leur stratégie. Derrière, il y a une forme de cynisme qui bloque la situation. »
Traduction : LFI et RN sont clairement visés. Jordan Bardella a immédiatement répondu sur X :
« Cynisme ? Venant d’un président qui gouverne avec le 49.3 depuis huit ans, c’est l’hôpital qui se moque de la charité. »
Les scénarios sur la table
– Scénario 1 – Compromis rose : Le gouvernement accepte des mesures sociales (taxe sur les superprofits, hausse du SMIC, revalorisation des retraites agricoles) en échange de l’abstention ou du vote PS. Possible, mais fragile.
– Scénario 2 – 49.3 explosif : Lecornu engage la responsabilité sur un texte modifié. Motion de censure probable (RN + LFI + une partie des socialistes ?). Risque : chute du gouvernement avant Noël.
– Scénario 3 – Budget par ordonnances ou 12e reconductible : Solution de dernier recours, politiquement suicidaire à seize mois de la présidentielle.
Un calendrier infernal
– 2 décembre : Examen en séance publique de la partie recettes (déjà rejetée en commission)
– Mi-décembre : Vote solennel prévu… s’il y a encore un texte à voter
– 31 décembre : Dernier délai constitutionnel pour éviter la reconduction automatique du budget 2025 (avec ses coupes déjà prévues)
Pour la première fois depuis la dissolution ratée de juin 2024, le régime semi-présidentiel français montre des signes d’asphyxie totale.
Et pendant ce temps, les marchés regardent, les agences de notation affûtent leurs stylos, et les Français, eux, attendent toujours de savoir qui paiera la note.


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