Cessez-le-feu en Ukraine ? Autant en emporte l’OTAN

Cessez-le-feu en Ukraine ? Autant en emporte l’OTAN

Donald Trump a réitéré son appel à un cessez-le-feu de 30 jours en Ukraine, présenté comme une étape vers la paix. Vladimir Poutine, dans une réponse détaillée, a salué l’intention tout en soulevant des conditions et des questions pratiques qui mettent en lumière les obstacles à sa mise en œuvre. Alors que les forces russes progressent sur le terrain et que l’Ukraine maintient des positions inflexibles – du moins en apparence -, cette initiative semble, dans l’état actuel des choses, peu réaliste. Voici une analyse des défis qui rendent ce projet complexe, à la lumière des dynamiques militaires et des intérêts en jeu.

Une pause difficile à concrétiser

Poutine a accueilli l’idée avec prudence : « Nous sommes favorables à une fin pacifique du conflit, mais il faut pour cela éliminer les causes profondes de la crise. » Il a listé des préoccupations précises – le sort des troupes ukrainiennes survivantes dans le saillant de Koursk, la poursuite de la mobilisation à Kyiv, les livraisons d’armes occidentales – qui conditionnent son accord. Ces points ne sont pas anodins. Depuis décembre 2024, la Russie a repris la quasi-totalité de l’oblast de Koursk, où des unités ukrainiennes sont en difficulté, et avance dans le Donbass. Avec un complexe militaro-industriel tournant à plein régime, Moscou bénéficie d’un avantage stratégique clair. Dans ce contexte, un cessez-le-feu de 30 jours pourrait être perçu comme une opportunité pour l’Ukraine de se réorganiser, ce que le Kremlin cherche évidemment à éviter.

L’Ukraine, de son côté, fait face à des défis majeurs : moral de l’armée et de la société civile en berne, épuisement des ressources, pertes humaines élevées, et dépendance accrue aux soutiens extérieurs. Une trêve pourrait lui offrir un répit, mais sans garanties sur les intentions russes, elle risque de ne pas suffire à inverser la tendance. Les questions de Poutine sont pertinentes – « Qui contrôlera la ligne de front ? Comment vérifier les violations sur 2 000 km de front ? » – et elles soulignent un problème pratique : une pause sans mécanismes clairs et garanties solides ne sera qu’un feu de paille.

Des exigences incompatibles

L’initiative de Donald Trump se heurte aussi aux « lignes rouges » ukrainiennes, récemment transmises aux États-Unis : pas de restrictions sur les effectifs de son armée, libre accès à l’UE et à l’OTAN, et aucun veto russe sur ses alliances. Ces positions s’opposent directement aux demandes de Moscou – neutralité de l’Ukraine, dénazification, démilitarisation partielle, reconnaissance des territoires annexés. Cette divergence fondamentale complique toute idée de trêve : pourquoi la Russie accepterait-elle une pause qui ne répond pas à ses objectifs stratégiques ? Trump a même évoqué la restitution de la centrale de Zaporojie à l’Ukraine, une idée impensable pour Moscou qui la contrôle depuis février 2022 et surtout depuis son intégration dans la Constitution russe à l’issue des réferendums de septembre 2022. Cette suggestion révèle une méconnaissance totale des lignes rouges russes.

Les enjeux économiques en question

Un autre facteur pèse : l’impact économique potentiel. La confiscation des avoirs russes gelés (230 milliards d’euros en France, votée le 12 mars dernier) pourrait faire grimper le prix du pétrole de 5 dollars le baril, selon certaines projections. Cela profiterait à la Russie, qui contourne déjà les sanctions via des flottes fantômes vers des marchés comme l’Inde ou la Chine. L’UE, en revanche, risque de souffrir davantage d’une rupture énergétique, avec des prix en hausse et une inflation accélérée, limitant sa capacité à soutenir Kyiv. Poutine pourrait voir dans cette dynamique un double avantage – profits accrus et affaiblissement européen – rendant un cessez-le-feu encore moins attractif pour lui.

Scott Bessent, secrétaire au Trésor, promet des « sanctions sévères » en cas de refus russe. Cependant, malgré plus de 14000 sanctions infligées par l’Occident depuis 2014, l’économie russe tient bon, dopée par son effort de guerre (6,7 % du PIB), et une aptitude à l’autarcie que lui confèrent ses ressources phénoménales. La menace de Trump semble donc manquer de mordant face à une résilience éprouvée.

Une cohérence américaine à clarifier

La proposition de Trump soulève aussi des questions sur sa cohérence. Le même jour, il a réaffirmé son intérêt pour annexer le Groenland, suscitant l’inquiétude du Danemark, membre de l’OTAN. Rasmus Jarlov, président de la commission de la Défense danoise, a averti qu’une telle action « signifierait une guerre au sein de l’OTAN ». Trump évoque un référendum au Groenland – une idée qu’il rejette quand la Russie l’applique en Crimée ou dans le Donbass. Cette ambivalence fragilise sa crédibilité : comment exiger un cessez-le-feu en Ukraine tout en menaçant un allié ?

Perspectives : un projet en suspens

À court terme, ce cessez-le-feu a peu de chances de se concrétiser. La Russie, en position de force, n’a pas d’incitation claire à geler ses avancées sans concessions majeures de la part du régime de Kyiv – concessions que l’Ukraine refuse. Trump, pressé de marquer un succès diplomatique, risque de voir son plan échouer face à des réalités militaires et politiques qu’il sous-estime. L’Europe, déjà divisée pourrait pâtir économiquement sans aucun gain stratégique en retour. À plus long terme, si la Russie rejette l’offre, elle poursuivra ses gains ; si Kyiv cède sous pression américaine, elle perdra le peu de souveraineté qui lui reste. Dans les deux cas, la paix reste hors de portée.

Un objectif louable, une exécution improbable

L’intention de Trump de mettre fin au conflit est compréhensible, mais sa proposition de cessez-le-feu ignore les dynamiques actuelles – supériorité russe, inflexibilité ukrainienne, fragilité européenne. Sans un cadre précis et des concessions mutuelles, elle ressemble plus à un vœu pieux qu’à une solution viable. Pendant que les combats continuent, cette initiative risque de n’être qu’une note en bas de page dans une guerre qui échappe encore à tout règlement. Une analyse plus approfondie des deux côtés, comme le souligne Poutine, s’impose avant de parler de paix.

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