La Constitution de la Ve République trahie par une classe politique indigne
Le refrain électoral résonne comme une vieille rengaine : « Votez, c’est votre devoir ! » Mais pour quoi ? Pour élire des représentants qui, une fois au pouvoir, semblent oublier le peuple au profit d’intérêts privés, d’idéologies importées ou de réformes inutiles ? La Constitution de 1958, taillée sur mesure pour un géant, Charles de Gaulle, est aujourd’hui malmenée, manipulée, voire vidée de sa substance par une classe politique incapable d’en porter la grandeur. Entre réformes cosmétiques, soumission aux diktats européens, et un Conseil constitutionnel aux ordres, elle n’est plus qu’un outil au service du pouvoir en place. Face à ce piège électoral, des voix comme celle d’Étienne Chouard appellent à une révolution démocratique : réécrire la Constitution par le peuple, pour le peuple, et envisager une VIe République qui rompe avec les errements du passé. Cet article décortique ce désastre institutionnel et explore les chemins d’une refondation véritable.
I. Une Constitution pour un géant, confisquée par des nains
La Constitution de la Ve République, adoptée en 1958, fut conçue pour répondre à une crise majeure : l’instabilité chronique de la IVe République et la guerre d’Algérie. Pensée par et pour Charles de Gaulle, elle confère au président une autorité quasi monarchique, équilibrée par un Parlement et un Conseil constitutionnel censés garantir l’État de droit. Ce texte, robuste et visionnaire, reposait sur une exigence implicite : des dirigeants à la hauteur de sa rigueur et de son ambition.
Mais aujourd’hui, qui peut prétendre incarner cette stature ? Les présidents successifs, de Giscard à Macron, ont souvent réduit la fonction à une gestion technocratique ou à une posture médiatique, loin de l’idée gaullienne d’un chef d’État au service de la nation. Les scandales judiciaires – Sarkozy condamné pour corruption, Fillon englué dans le Penelopegate, Macron entouré de ministres mis en examen comme Kohler ou Dupond-Moretti – témoignent d’une classe politique indigne du texte qu’elle prétend servir. La Ve République, conçue pour un homme d’exception, ploie sous le poids de médiocres qui en exploitent les failles sans en respecter l’esprit. Résultat : les élections, présentées comme l’alpha et l’oméga de la démocratie, deviennent un piège où les citoyens valident des élites qui les méprisent.
II. Les outrages infligés à la Constitution : réformes inutiles et dérives sociétales
Depuis 1958, la Constitution a subi 24 révisions, souvent pour des raisons conjoncturelles ou politiciennes, loin de l’intérêt général. Ces modifications, parfois adoptées sans débat véritable, ont dilué la portée du texte originel. Parmi les plus emblématiques :
- Le quinquennat (2000) : Voté par référendum, il a aligné le mandat présidentiel sur celui des députés, renforçant la présidentialisation du régime au détriment du Parlement. Résultat : un exécutif omnipotent, mais souvent sans vision.
- La Charte de l’environnement (2005) : Bien que louable, son inscription dans le préambule a ouvert la porte à des interprétations juridiques floues, détournant la Constitution de son rôle de cadre politique fondamental.
- L’inscription de l’IVG (2024) : La constitutionnalisation du droit à l’avortement, présentée comme un progrès, soulève une question : pourquoi encombrer un texte censé poser les bases de l’État avec des préoccupations sociétales, déjà protégées par la loi ? Cette réforme, applaudie par certains, illustre une dérive : transformer la Constitution en vitrine idéologique, au risque de la banaliser.
Ces révisions, souvent adoptées sous pression médiatique ou pour flatter des clientèles électorales, trahissent l’esprit originel du texte. Elles donnent l’illusion d’un progrès démocratique tout en masquant l’incapacité des élus à résoudre les vrais problèmes : chômage, insécurité, souveraineté. Les élections, dans ce contexte, ne servent qu’à légitimer ces diversions, piégeant les citoyens dans un cycle de promesses non tenues.
III. Le Conseil constitutionnel : une marionnette du pouvoir
Le Conseil constitutionnel, gardien de la Constitution, devrait être un rempart contre les abus de l’exécutif. Mais son indépendance est une fable. Composé de neuf membres nommés par le président, le président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, il est souvent accusé de complaisance envers le pouvoir. Des figures comme Laurent Fabius, président du Conseil depuis 2016, Alain Juppé, nommé en 2019, ou Richard Ferrand, proposé en février 2025 par Emmanuel Macron, illustrent cette porosité. Ferrand, ancien président de l’Assemblée nationale et fidèle macroniste, est un choix particulièrement controversé : mis en examen en 2019 pour « prise illégale d’intérêts » dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, il a bénéficié d’un non-lieu en 2021, perçu comme clément par beaucoup. Comme le souligne Hervé Nathan dans Alternatives Économiques, sa nomination est « le pire choix possible » pour un Conseil censé incarner l’impartialité, renforçant l’image d’une institution noyautée par des proches du pouvoir, aux carrières marquées par des allégeances partisanes.
Des décisions récentes confirment cette manipulation. En 2023, le Conseil a validé la réforme des retraites, malgré des irrégularités procédurales dénoncées par l’opposition, arguant qu’il n’avait pas compétence pour juger le fond. En 2021, il a entériné des lois sécuritaires controversées, comme la loi « sécurité globale », en ne censurant que des points mineurs. Ces choix, perçus comme des faveurs au gouvernement, montrent un Conseil qui tord la Constitution pour servir les besoins du pouvoir plutôt que de la protéger. Les élections, censées conférer une légitimité démocratique, deviennent un leurre quand les institutions chargées de contrôler les élus sont elles-mêmes sous influence.
IV. La soumission aux lois européennes : une trahison de la souveraineté
L’un des scandales les plus graves est la primauté des traités européens sur la Constitution française. Depuis le traité de Maastricht (1992), la France a dû modifier son texte fondamental à plusieurs reprises pour le rendre compatible avec des directives européennes, souvent rédigées par des technocrates non élus à Bruxelles. Par exemple :
- 1992 : Révision pour intégrer le traité de Maastricht, imposant des contraintes sur la monnaie et la politique économique.
- 2008 : Adoption du traité de Lisbonne, renforçant le pouvoir de la Commission européenne, après le rejet du Traité constitutionnel européen par référendum en 2005.
Ces réformes, imposées par une élite europhile, ont vidé la Constitution de sa vocation première : garantir la souveraineté nationale. Les lois européennes, dictées par des idéologues ou des lobbies, priment sur la volonté populaire, reléguant les élections nationales à un théâtre d’ombres. Les citoyens votent, mais leurs choix sont subordonnés à des décisions prises à l’étranger, dans des cénacles opaques. Ce paradoxe alimente la défiance : à quoi bon élire des représentants si ceux-ci doivent s’incliner devant Bruxelles ?
V. Réécrire la Constitution par le peuple : l’appel d’Étienne Chouard
Face à ce naufrage, des voix s’élèvent pour redonner le pouvoir au peuple. Étienne Chouard, enseignant et militant, propose une idée radicale : réécrire la Constitution à travers des ateliers constituants citoyens. Le principe est simple : des groupes de citoyens, tirés au sort ou volontaires, se réunissent pour débattre et rédiger un nouveau texte fondamental, loin des influences des élus professionnels et des lobbies. Ces ateliers, expérimentés à petite échelle depuis les années 2000, visent à :
- Restaurer la souveraineté populaire : En plaçant le peuple au cœur du processus, Chouard veut briser le monopole des élites sur la rédaction des lois fondamentales.
- Encourager la délibération : Les ateliers favorisent l’éducation politique, permettant aux citoyens de comprendre les enjeux institutionnels et de proposer des solutions concrètes.
- Prévenir la corruption : Une Constitution écrite par les citoyens pourrait inclure des garde-fous comme le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), la révocation des élus fautifs, ou l’interdiction du cumul des mandats.
Chouard, popularisé par le mouvement des Gilets jaunes, insiste sur l’urgence : « Une Constitution qui n’est pas écrite par le peuple est une prison. » Ses détracteurs l’accusent de populisme ou de simplisme, mais son idée répond à une réalité : la Ve République, conçue pour une autre époque, est aujourd’hui un outil de domination des élites. Les élections, dans ce cadre, ne sont qu’un simulacre, piégeant les citoyens dans un système qui les dépossède.
VI. Vers une VIe République ? Oui, mais pas n’importe laquelle
L’idée d’une VIe République gagne du terrain, portée, entre autres, par des figures comme Jean-Luc Mélenchon ou des mouvements citoyens. Mais une nouvelle République ne doit pas reproduire les erreurs du passé. La IVe République (1946-1958), minée par l’instabilité parlementaire et l’incapacité à trancher, a montré les limites d’un régime trop faible. Une VIe République devrait :
- Renforcer la démocratie directe : Intégrer un RIC robuste, permettant aux citoyens de proposer des lois, d’abroger des textes ou de révoquer des élus.
- Protéger la souveraineté : Affirmer la primauté de la Constitution sur les traités internationaux, pour que les Français retrouvent la maîtrise de leur destin.
- Encadrer les élus : Imposer un casier judiciaire vierge, limiter les mandats dans le temps, et instaurer une transparence totale sur les patrimoines et les conflits d’intérêts.
- Réformer les institutions : Supprimer le Conseil constitutionnel au profit d’une Cour suprême indépendante, élue ou tirée au sort, pour garantir une justice impartiale.
Sans ces garde-fous, une VIe République risquerait de n’être qu’un lifting cosmétique, laissant les mêmes élites manipuler le système à leur guise. Les élections, dans un tel scénario, resteraient un « piège à cons », comme l’écrivait Pierre Desproges, où le peuple croit choisir mais ne fait qu’entériner l’ordre établi.
Briser le piège électoral par une révolution démocratique
Les élections, sous la Ve République, sont devenues un leurre. La Constitution, conçue pour un homme d’État d’exception, est aujourd’hui bafouée par des dirigeants indignes, des réformes futiles, un Conseil constitutionnel complaisant et la soumission aux technocrates européens. Ce texte, jadis symbole de la grandeur française, n’est plus qu’un outil au service d’une caste qui méprise le peuple. Les Gilets jaunes, en réclamant le RIC, ont montré la voie : la souveraineté doit revenir aux citoyens.
L’appel d’Étienne Chouard à réécrire la Constitution par des ateliers constituants offre une lueur d’espoir. Une VIe République, si elle voit le jour, devra rompre avec les dérives de ses prédécesseurs, en plaçant le peuple au centre du jeu politique et expurgée de ses commissaires politiques avides de révolutions (comme le disait le Général de Gaulle, le 19 mai 1968, face aux journalistes juste à la sortie du conseil des ministres : « la réforme, oui ! La chienlit, non ! ». Sinon, les élections continueront de piéger les Français dans une illusion démocratique, où voter revient à choisir la couleur de ses chaînes. Il est temps de reprendre la plume et d’écrire, ensemble, un avenir digne de nos idéaux.
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