Depuis l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump en janvier 2025, une tempête s’abat sur les institutions fédérales américaines. Robert F. Kennedy Jr., nommé secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, et Elon Musk, à la tête du tout nouveau Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE), orchestrent une purge d’une ampleur inédite. Leur cible ? L’« État profond » – un réseau discret mais efficace de banquiers, bureaucrates, scientifiques, journalistes et autres faiseurs d’opinion qu’ils accusent d’avoir imposé des politiques répressives, notamment durant la crise du Covid-19. À coups de licenciements massifs et de restructurations sévères, les deux hommes redessinent le paysage administratif américain, avec des conséquences qui pourraient résonner bien au-delà des frontières des États-Unis.
Kennedy : la hache dans le cartel sanitaire
Robert F. Kennedy Jr., figure renommée et ancien avocat environnementaliste devenu fer de lance antivax, n’a pas perdu de temps. À peine installé, il a lancé une offensive contre les bastions de la santé publique américaine : la Food and Drug Administration (FDA), les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et les National Institutes of Health (NIH). Son leitmotiv ? Démanteler ce qu’il qualifie de « cartel sanitaire » responsable, selon lui, d’avoir volé la santé des Américains par des politiques vaccinales coercitives et des collusions avec l’industrie pharmaceutique.
L’un des premiers coups d’éclat de RFK Jr. a été le limogeage de Christine Grady, l’épouse transgenre d’Anthony Fauci, l’ancien visage de la camapgne de vaccination forcée contre le Covid-19 aux États-Unis. Chef du département de bioéthique au Centre clinique du NIH, Grady faisait partie des 10 000 employés fédéraux licenciés en un temps record. Ce n’est pas un hasard : Fauci, retraité depuis 2023 – et gracié par Biden juste avant son départ (on se demande pourquoi) -, reste une figure honnie des cercles trumpistes accusé d’avoir orchestré une « dictature sanitaire » avec son « faites-vous vacciner ou perdez votre travail ». En visant Grady, Kennedy envoie un message clair : personne n’est intouchable.
Mais l’épuration ne s’arrête pas là. Jeanne Marrazzo, successeur de Fauci à la tête du NIAID (National Institute of Allergy and Infectious Diseases) a été sommée de choisir entre une réaffectation dans un coin paumé de l’Alaska ou un départ définitif. Des dizaines de hauts responsables du NIH (National Institutes of Health) et du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) subissent le même sort, leurs postes sont soit supprimés, soit vidés de toute influence. RFK Jr. promet une refonte complète, où la science devra se plier à une transparence totale. Le départ précipité de Peter Marks, ex-patron des vaccins à la FDA (Food and Drug Administration), illustre la violence de cette croisade.
Musk : la machine à broyer l’État fédéral
Pendant que Kennedy décapite les administrations sanitaires, Elon Musk s’attaque à l’ensemble de l’appareil fédéral avec un réalisme méthodique héritée de ses années chez Tesla et SpaceX. À la tête du DOGE, doté d’un mandat présidentiel pour réduire les dépenses publiques de manière draconienne, Musk applique une logique d’entreprise à l’État : tout ce qui n’est pas « efficace » doit disparaître. L’Agence américaine pour le développement international (USAID) a été sa première victime, démantelée en une semaine après avoir été qualifiée d’« organisation criminelle » sur X. Depuis, l’Internal Revenue Service (IRS), la Sécurité sociale et même l’Agence de protection de l’environnement (EPA) sont dans son viseur.
Plus de 62 000 fonctionnaires ont déjà été licenciés en février 2025, selon des estimations, et ce n’est qu’un début. Musk ne se contente pas de couper des têtes : il impose des audits impitoyables, traquant les « gaspillages » avec une équipe de loyalistes triés sur le volet. Les agences fédérales, jadis piliers de la gouvernance américaine, sont désormais paralysées par la peur ou transformées en coquilles vides. Les méthodes sont radicales : suppressions de postes sans préavis, fermetures de sites web, et des réaffectations punitives dans des régions isolées. Musk, avec l’aval de Trump, semble décidé à réduire l’État au strict nécessaire, au nom d’une idéologie libertarienne saupoudrée d’un brin de populisme.
Une alliance explosive
L’alliance entre Kennedy et Musk, improbable sur le papier, repose sur une convergence d’intérêts : tous deux se présentent comme des croisés contre un establishment corrompu. Kennedy apporte la légitimité d’un nom historique et une rhétorique anti-système, tandis que Musk fournit la puissance médiatique de X et une exécution sans faillle. Leur action conjointe dépasse la simple réforme : c’est une révolution visant à briser les institutions corrompues qui ont trahi le peuple américain. Mais cette purge soulève des questions brûlantes. Qui contrôle vraiment cette machine ? Trump, Musk, Kennedy, ou un mélange des trois ? Le Congrès semblant incapable de freiner cette tornade ?
Conséquences pour l’Europe et la France : un choc en retour ?
Si cette épuration produit ses effets, ses répercussions en Europe, et particulièrement en France, pourraient être profondes. Premièrement, le démantèlement d’agences comme le CDC ou la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), ciblée pour ses positions peu scientifiques alignées principalement sur les avis du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), risque de déstabiliser les partisans de la thèse du réchauffement climatique anthropique. L’Europe, déjà fragilisée par ses divisions internes, devra compenser – ou subir les conséquences d’une Amérique repliée sur elle-même. En France, où l’État reste un pilier central, l’exemple américain pourrait inspirer des mouvements populistes, de l’extrême droite à certaines franges de la gauche radicale, qui rêvent de « purger » leurs propres administrations.
Deuxièmement, la rhétorique anti-élite de Musk et Kennedy, amplifiée par X, pourrait galvaniser les forces politiques européennes anti-Système. On le voit déjà avec les prises de position de Musk soutenant l’AfD (Alternative für Deutschland) en Allemagne ou critiquant les dirigeants français et britanniques. En France, où le Rassemblement national observerait avec intérêt une purge de l’AFD (Agence française de développement) proposée par certains à l’image du démantèlement de l’USAID, une telle dynamique pourrait accentuer la défiance envers les institutions et alimenter des projets de « dégraissage » de la fonction publique.
Enfin, sur le plan géopolitique, une Amérique affaiblie dans un premier temps par ces coupes massives pourrait céder du terrain à la Chine et à la Russie, obligeant l’Europe à accélérer sa quête d’autonomie stratégique – un défi colossal pour une France déjà en proie à des tensions budgétaires et sociales. À court terme, Paris risque de se retrouver isolée face à un « allié » américain imprévisible et à des voisins européens tentés par des replis isolationnistes. À plus long terme, si l’État profond américain est réellement détruit, c’est toute la logique mondialiste en place depuis les années 80 qui pourrait basculer, laissant la France et l’Europe naviguer dans un chaos inédit. Kennedy et Musk ont allumé la mèche ; reste à savoir jusqu’où l’incendie se propagera.
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