La grande exposition du fabriqué en France : une vitrinisation superficielle face au déclin industriel profond ?

La grande exposition du fabriqué en France : une vitrinisation superficielle face au déclin industriel profond ?

À la veille de la cinquième édition de la Grande Exposition du Fabriqué en France, prévue les 15 et 16 novembre 2025 au Palais de l’Élysée, l’événement se présente comme une célébration triomphante du savoir-faire national.

Organisée par le gouvernement, cette manifestation mettra en avant 123 produits sélectionnés parmi des milliers de candidatures, issus de tous les territoires français, pour illustrer l’excellence tricolore dans des domaines variés comme l’artisanat, l’industrie et l’innovation.

Des exemples régionaux, comme les 12 produits néo-aquitains exposés, soulignent une diversité apparente, allant des biens de consommation aux technologies avancées. Les inscriptions pour visiter l’exposition ouvrent ce soir à 17h, promettant un week-end festif au cœur du pouvoir républicain. Pourtant, derrière cette façade reluisante, se cache une réalité bien plus sombre : un déclin industriel accéléré que des voix comme celle d’Arnaud Montebourg n’ont cessé de dénoncer, sans que les autorités actuelles ne semblent y remédier efficacement.

Une célébration au palais : symbole ou écran de fumée ?

Lancée en 2020 sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, la Grande Exposition vise à promouvoir le « Fabriqué en France » comme un levier de souveraineté économique. Pour cette édition 2025, un jury national composé d’acteurs publics et privés a trié sur le volet des produits emblématiques, de l’appel à candidatures ouvert du 20 mai au 22 juin.

L’événement, gratuit et ouvert au public sur inscription, se tiendra dans les salons prestigieux de l’Élysée, transformant le palais présidentiel en une vitrine éphémère du patriotisme économique.

Sur le papier, cela sonne comme une initiative louable : célébrer les entrepreneurs et artisans qui résistent à la mondialisation. Mais critiquer cette opération n’est pas ingrat ; c’est nécessaire. Car pendant que l’Élysée parade avec des produits « made in France » , le pays continue de s’appauvrir industriellement, comme l’a récemment déploré Arnaud Montebourg lui-même, pointant des chèques annuels de 20 milliards d’euros vers l’Allemagne ou la Chine pour des importations évitables.

En effet, la part de l’industrie dans le PIB français a chuté de 16 % en 2000 à moins de 10 % aujourd’hui, un effondrement plus prononcé que chez nos voisins allemands ou italiens, selon un rapport de l’Institut Montaigne de 2024. Des fermetures d’usines emblématiques, comme celles de Renault ou Stellantis délocalisant leur production, illustrent ce naufrage. Ajoutez à cela une dette publique dépassant 3.400 milliards d’euros (plus de 120 % du PIB en 2025), avec des intérêts annuels de 70 milliards, et une pénurie de 150.000 emplois industriels qualifiés, et l’on voit que l’exposition risque de n’être qu’un pansement sur une hémorragie.

Les mises en garde ignorées d’Arnaud Montebourg : un cri dans le désert

Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Économie et du Redressement Productif (2012-2014), n’a eu de cesse d’alerter sur ce déclin. Dans une intervention récente devant des sénateurs, il les a exhortés à « prendre le pouvoir » face à un gouvernement « bloqué » et inactif depuis dix ans sur les questions économiques. Il dénonce une commande publique dysfonctionnelle, décentralisée à l’extrême avec 120.000 acheteurs contre seulement 3.000 en Allemagne, ce qui empêche toute coordination nationale et favorise les fournisseurs étrangers au détriment des producteurs locaux.

Arnaud Montebourg
Arnaud Montebourg

Des exemples concrets fusent : l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) choisissant un fournisseur allemand pour des poches de sang, ignorant l’entreprise française Carelide et coûtant finalement 20 millions d’euros à l’État ; ou l’Union des Groupements d’Achats Publics (UGAP) optant pour des pulls tricotés en Chine pour équiper pompiers et armée.

Montebourg propose des réformes radicales : réduire drastiquement le nombre d’acheteurs, les former à prioriser le national, rattacher l’UGAP au ministère de l’Économie plutôt qu’au Budget, et créer des agences régionales d’achats publics pour centraliser et obliger les commandes vers les entreprises françaises. Sans cela, argue-t-il, le « Fabriqué en France » reste un slogan vide. Ces avertissements font écho à des batailles passées, comme son opposition farouche à la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric en 2014 – une transaction autorisée par son successeur, Emmanuel Macron, malgré les risques pour la souveraineté nucléaire française. Cette affaire, qui a transféré la maintenance des turbines des 58 réacteurs français à GE, fait toujours l’objet d’une enquête judiciaire pour soupçons de corruption, bien que certains volets aient reçu un non-lieu en 2024.

Plus largement, Montebourg a qualifié la situation industrielle française d’ « état d’urgence absolue » dès 2023, accusant les politiques actuelles de mener à un appauvrissement collectif. En 2025, il réitère : « On s’appauvrit » , déplorant les importations massives et l’absence de protectionnisme assumé. Des rapports comme celui de l’UIMM en juillet 2025 corroborent : 100.000 emplois industriels menacés, avec des bassins entiers comme Douai ou Sochaux en péril. Même dans la défense, la Base Industrielle et Technologique (BITD) est « à bout de souffle » , avec des cadences de production insuffisantes pour munitions et blindés, forçant des importations de Corée du Sud ou des États-Unis, selon Le Figaro et l’IRSEM.

Un contexte historique accablant : de la désindustrialisation à l’inaction actuelle

Les recherches confirment que le déclin n’est pas nouveau. Dès 2013, Arnaud Montebourg avertissait que le discours ambigu sur l’industrie fragilisait la réputation de la France. En 2014, il soulignait une désindustrialisation sur dix ans, sans réussir à l’enrayer pleinement pendant son mandat. Aujourd’hui, les prix de l’énergie parmi les plus élevés d’Europe (Eurostat 2025) et les retards de paiement de l’État (8 milliards d’euros dus aux fournisseurs de la Défense) aggravent la crise. La Loi de programmation militaire 2024-2030, dotée de 413 milliards, voit un quart de ses fonds éponger des arriérés, selon un rapport sénatorial de mars 2025.

Critiquer l’exposition n’est pas rejeter le « Fabriqué en France » , mais exiger plus qu’une opération de communication. Comme Montebourg l’appelait en 2023 : consacrer 200 milliards à l’industrie via un protectionnisme réel, ou risquer de fermer Renault et Peugeot. Sans actions concrètes, cet événement à l’Élysée risque de n’être qu’une mascarade, masquant un pays sans usines et une défense sans moyens. Il est temps que les célébrations cèdent la place à des réformes urgentes, avant que le savoir-faire national ne devienne un souvenir muséal.

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