En onze mois seulement, Donald Trump a surpassé le nombre total de décrets présidentiels signés durant son premier mandat, une accélération spectaculaire qui place la justice américaine et les institutions constitutionnelles sous une pression inédite.
La plume du 45ᵉ président des États-Unis ne chôme pas. Selon une analyse du Washington Post, l’actuel locataire de la Maison Blanche a, depuis son retour en janvier 2025, apposé sa signature au bas de 221 « executive orders ». Un chiffre qui dépasse, à lui seul, le total de 220 décrets émis entre 2017 et 2021. Cette frénésie législative, qui vise à « considérablement accroître l’autorité présidentielle », met selon le quotidien américain « à l’épreuve la Constitution » et dessine une présidence animée par une volonté d’action unilatérale et rapide.
Un acte unilatéral, un contre-pouvoir judiciaire
L’« executive order », outil établi par l’article 2 de la Constitution, permet au président d’agir sans l’aval du Congrès. Mais cette arme à double tranchant est systématiquement contestée.
« Un tiers des décrets signés depuis janvier ont été contestés devant les tribunaux en date du 12 décembre », précise le Washington Post.
Cette judiciarisation de la politique crée un scénario inédit : chaque signature présidentielle semble désormais appeler sa riposte en justice, plongeant l’appareil d’État dans une paralysie sous haute tension.
L’activisme de l’exécutif se double ainsi d’un « activisme judiciaire des opposants de Donald Trump ».
La récente classification du fentanyl comme « arme de destruction massive » par décret, ou la création d’un département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE) pour réduire les dépenses publiques, témoignent de la diversité des champs d’action — économie, défense, immigration, ou encore « questions liées à la race et à la culture ».
Mais c’est sur le terrain commercial que la confrontation est la plus vive. Après qu’une cour d’appel a jugé illégaux les droits de douane, dont les taux varient énormément selon les pays, Donald Trump a lancé un avertissement grave à la Cour suprême : une « décision négative » de sa part serait perçue comme une « menace » pour la sécurité nationale.
Une méthode qui surpasse celle de ses prédécesseurs
La tradition veut qu’une nouvelle administration use de cette prérogative pour défaire l’héritage de son prédécesseur, surtout en cas d’alternance politique. Pourtant, le rythme adopté par le président républicain est sans commune mesure. À titre de comparaison, Joe Biden avait signé 77 décrets présidentiels durant la première année de son mandat en 2021, 38 par Barack Obama en 2009 et 55 seulement par Donald Trump au début de son premier mandat en 2017.
Loin des 3 700 décrets de Franklin D. Roosevelt, qui gouvernait dans le contexte d’une dépression économique puis d’une guerre mondiale, le chiffre actuel frappe par sa concentration dans le temps et par son objet : une réécriture accélérée des règles du jeu administratif et social.
Cette course contre la montre législative révèle une stratégie claire : contourner un Congrès potentiellement hostile et imposer son agenda par décrets, en acceptant le risque élevé de revers judiciaires. Chaque texte signé est un pari, une provocation, une ligne tracée dans le sable des institutions. Les États-Unis sous Trump testent les frontières de leur propre régime, et le monde retient son souffle.


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