Le conflit entre Israël et l’Iran, marqué par des tensions historiques et une récente escalade militaire, est au cœur des dynamiques géopolitiques du Moyen-Orient. L’attaque israélienne contre l’Iran le vendredi 13 juin 2025, suivie d’une réponse iranienne le week-end suivant, a ravivé les craintes d’une guerre régionale aux implications globales.
Les racines historiques du conflit
Les tensions entre Israël et l’Iran remontent à la Révolution islamique de 1979, qui a transformé l’Iran en une république théocratique hostile à Israël. Avant 1979, les deux pays entretenaient des relations cordiales, l’Iran du Shah étant un allié stratégique d’Israël face aux nationalismes arabes. Cependant, l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeini a renversé cette dynamique, avec des discours iraniens appelant à la fin de l’entité sioniste et un soutien actif aux groupes anti-israéliens comme le Hezbollah au Liban.
De son côté, Israël perçoit l’Iran comme une menace existentielle, en raison de son programme nucléaire, de son soutien aux milices chiites, et de sa rhétorique hostile. La vidéo (ci-dessous) souligne que cette menace, bien que réelle dans les années 1980 sous l’ayatollah Khomeini, est aujourd’hui amplifiée par une « obsession occidentale » déconnectée de la réalité iranienne actuelle. Selon cette analyse, l’Iran ne cherche plus l’expansion du « terrorisme chiite » comme à l’époque, mais plutôt à sécuriser sa position régionale face à des voisins hostiles, notamment l’Arabie saoudite.
L’Escalade de juin 2025
Le 13 juin 2025, Israël a lancé une attaque ciblée contre des installations iraniennes, visant selon des sources à freiner le programme nucléaire iranien, qui aurait atteint un seuil critique d’enrichissement d’uranium (proche des 90 % nécessaires pour une arme nucléaire). L’opération, préparée pendant 6 à 8 mois a été menée sans implication directe des États-Unis, bien que ces derniers aient probablement été informés. L’Iran a répondu par des frappes limitées, évitant pour l’instant une escalade totale.
Cette confrontation s’inscrit dans une « stratégie de la tension » qui dure depuis des années, marquée par des assassinats ciblés israéliens (notamment de scientifiques nucléaires iraniens), des cyberattaques comme Stuxnet, et des frappes contre des proxies iraniens en Syrie et en Irak. L’Iran, de son côté, a renforcé son influence via le « croissant chiite » (Iran, Irak, Syrie, Liban, Yémen), tout en poursuivant son programme nucléaire comme levier de négociation et de dissuasion.
Les motivations des acteurs
Israël : une stratégie de préemption
Pour Israël, l’Iran représente une menace à la fois nucléaire et régionale. Tel-Aviv cherche à attirer les États-Unis dans le conflit pour garantir un soutien militaire décisif. Cependant, l’opération de juin 2025 semble aussi répondre à des considérations internes : le Premier ministre Benyamin Netanyahou, confronté à des crises politiques (comme une motion de censure récente), utilise la carte de la « menace existentielle » pour consolider son pouvoir et échapper aux poursuites judiciaires qui le menacent dans son pays. La suggestion de Netanyahou de cibler le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, illustre une ambition plus large : déstabiliser l’État iranien, voire provoquer une « dislocation ethnique ». Une telle stratégie, cependant, risque de renforcer le nationalisme iranien et de radicaliser davantage Téhéran.
Iran : dissuasion et nationalisme
L’Iran, quant à lui, justifie son programme nucléaire pour obtenir l’indépendance dans le domaine du nucléaire civil. Le programme nucléaire iranien n’est pas principalement dirigé contre Israël, mais contre la menace régionale sunnite, l’Iran se sentant encerclé par « 300 millions d’Arabes » hostiles. Le nationalisme iranien, en plein essor, surpasse progressivement l’idéologie de la Révolution islamique, comme en témoigne la montée en puissance du pouvoir civil sous des figures comme Mahmoud Ahmadinejad dans les années 2000. L’attaque israélienne, loin d’affaiblir le régime, pourrait consolider le soutien interne au gouvernement iranien, en galvanisant le sentiment national.
Les acteurs régionaux et internationaux
Les Pays arabes
La plupart des pays arabes, bien que réticents à l’admettre publiquement, soutiennent tacitement l’action israélienne par hostilité envers l’Iran. L’Arabie saoudite, l’Égypte, et la Jordanie adoptent une posture de « neutralité positive », tandis que les Émirats arabes unis collaborent activement avec Israël, notamment via des échanges de renseignements. Cette dynamique s’inscrit dans les accords d’Abraham (2020), qui ont normalisé les relations entre Israël et plusieurs pays arabes, en partie pour contrer l’influence iranienne.
Les États-Unis
Les États-Unis jouent un rôle ambigu. Bien qu’informés de l’opération israélienne, ils n’ont pas participé à sa mise en œuvre. L’administration Trump, revenue au pouvoir en 2025, cherche à tirer parti des tensions pour ramener l’Iran à la table des négociations, tout en évitant un conflit direct. Trump doit cependant jongler avec trois électorats : les nationalistes opposés à de nouvelles guerres, les classes populaires sensibles aux prix de l’énergie (le détroit d’Ormuz étant crucial pour 20 % du commerce pétrolier mondial), et les évangéliques sionistes soutenant inconditionnellement Israël. Cette stratégie d’équilibre explique les « veto » imposés à Israël, notamment l’interdiction de cibler Khamenei.
La Chine et la Russie
La Chine et la Russie, alliées de l’Iran, adoptent une posture prudente. La Chine, bien que dépendante du pétrole iranien (même si la Russie reste son principal fournisseur), évite de s’impliquer directement pour ne pas compromettre ses relations avec l’Occident. La Russie, liée à l’Iran par des accords technologiques, s’oppose à un Iran nucléarisé, ce qui limite son soutien. Ces deux puissances observent le conflit comme un test de l’hégémonie occidentale, renforçant leur méfiance envers un ordre international perçu comme biaisé.
L’Europe
L’Union européenne, souvent décrite comme un « Frankenstein » diplomatico-politique, struggle à adopter une position cohérente dans le conflit. Les Européens, tiraillés entre leur antinationalisme (hostile à l’État israélien) et leur méfiance envers l’Iran, « parasitent les lignes » sans proposer de solutions viables. Leur influence reste marginale, et leur discours moralisateur sur la démocratie est perçu comme hypocrite, notamment après des décennies de soutien à des régimes autoritaires au Moyen-Orient. Cette hypocrisie est d’autant plus frappante que l’UE condamne bruyamment les bombardements russes en Ukraine, mais reste largement silencieuse face aux frappes israéliennes sur l’Iran ou Gaza, renforçant l’image d’une diplomatie à géométrie variable.
Les risques et critiques
Risques d’escalade
Le principal danger réside dans une fuite en avant. L’Iran, en réponse aux pressions, pourrait suspendre sa coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et sortir du Traité de non-prolifération nucléaire, optant pour le nucléaire militaire, ce qu’ils s’étaient toujours refusé à faire depuis le départ. Israël, de son côté, manque des moyens techniques pour détruire les infrastructures nucléaires iraniennes souterraines sans l’aide américaine, ce qui limite l’efficacité de ses frappes. Une escalade pourrait embraser la région, impliquant le Hezbollah, les milices irakiennes, et potentiellement les États du Golfe.
Une vision coloniale de l’ordre international
L’approche occidentale est souvent critiquée pour perpétuer un « ordre colonial » où certains États, notamment occidentaux, bénéficieraient d’un statut privilégié. En imposant des sanctions et des restrictions nucléaires à l’Iran, tout en tolérant l’arsenal nucléaire israélien – non déclaré et non soumis au Traité de non-prolifération (TNP) – l’Occident suscite la défiance des pays du Sud global. Cette inégalité, aggravée par les échecs des interventions en Irak et en Libye, conforte l’Iran dans l’idée que la « communauté internationale » reflète principalement les intérêts occidentaux.
Renforcement des radicaux
Paradoxalement, l’attaque israélienne pourrait renforcer les factions les plus dures à Téhéran, comme les Gardiens de la Révolution, qui contrôlent le programme nucléaire. Ainsi, le nationalisme iranien, en plein essor, risque de marginaliser la Révolution islamique, mais que les pressions extérieures retardent ce processus en légitimant le régime actuel.
Perspectives d’avenir
Le conflit Israël-Iran, bien qu’il ne soit pas encore une guerre totale, reste une « mise sous tension » aux conséquences incertaines. Pour éviter une escalade, plusieurs pistes pourraient être explorées :
- Négociations internationales : Un retour à l’accord nucléaire de 2015 (JCPOA), bien que complexe sous l’administration Trump, pourrait désamorcer les tensions. Cela nécessiterait des concessions mutuelles, notamment un allègement des sanctions contre l’Iran en échange d’un contrôle strict de son programme nucléaire (que l’Iran n’a toutefois jamais refusé).
- Rôle des puissances moyennes : Des pays comme l’Inde ou la Turquie, qui maintiennent des relations avec les deux parties, pourraient jouer un rôle de médiation pour réduire les tensions régionales.
- Désarmement régional : Bien que peu réaliste à court terme, une approche inspirée de la vision gaulliste, où tous les États se désarment ou ont un droit égal à la puissance, pourrait poser les bases d’un dialogue sur la sécurité régionale.
Cependant, la polarisation croissante entre l’Occident et le Sud global, exacerbée par ce conflit, risque de compliquer toute solution. Le monde n’est plus divisé entre « hégémons » et « soumis », mais évolue vers un système de « puissances moyennes » où la coopération est essentielle.
Le conflit Israël-Iran, loin d’être un simple affrontement bilatéral, reflète les tensions d’un ordre international en mutation. Israël cherche à neutraliser une menace perçue comme existentielle, tandis que l’Iran défend sa souveraineté face à un environnement hostile. Les grandes puissances, de Washington à Pékin, observent avec prudence, conscientes que ce conflit pourrait redessiner les équilibres mondiaux.
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