Le 3 septembre 2025, le corps d’un policier de l’Office anti-stupéfiants (OFAST) basé à Nanterre a été retrouvé flottant dans l’anse Magaud à Toulon, cagoulé, mains menottées dans le dos et pieds entravés par des serflex (colliers de serrage). Ses effets personnels, y compris une lettre, son arme de service, son brassard et sa carte de police, étaient abandonnés au sommet de la falaise.
Malgré cette scène digne d’une exécution mafieuse, le procureur de Toulon, Sylvain Finielz, privilégie la thèse du suicide, invoquant des « éléments familiaux personnels ».
Cette explication officielle, aussi hâtive que grotesque, soulève une tempête de doutes et de critiques, révélant une fois de plus la défiance croissante envers les institutions judiciaires et policières françaises. Comment peut-on sérieusement avancer un suicide dans une mise en scène aussi élaborée et atroce, alors que le défunt portait son arme de service – un moyen rapide et efficace pour mettre fin à ses jours ?
Une mise en scène macabre qui n’a rien d’un suicide ordinaire
La thèse du suicide défie toute logique. Pourquoi un policier expérimenté, connaissant les techniques d’entrave et disposant d’une arme de service, opterait-il pour une méthode aussi tortueuse et douloureuse ? Se ligoter les mains et les pieds, se cagouler, puis se jeter d’une falaise pour se noyer – c’est une souffrance prolongée, une agonie inutile quand une balle suffit. Alexandre Langlois, ancien policier, secrétaire général du syndicat Vigi révoqué de la police et auteur de L’Ennemi de l’Intérieur, dénonce cette absurdité dans une récente intervention : « Je rappelle que dans la police, la plupart des suicides, 50 % des suicides sont faits avec l’arme de service. Là, la personne avait son arme de service sur elle. C’est quand même beaucoup plus rapide et efficace malheureusement. » Langlois insiste sur l’invraisemblance : « Personne ne se met en scène de cette façon. Soyons un petit peu sérieux. » En effet, cette « mise en scène » évoque plutôt une exécution, un règlement de comptes, surtout pour un agent spécialisé dans la lutte contre les narcotrafiquants, des réseaux impitoyables qui n’hésitent pas à éliminer les menaces.
Langlois va plus loin, questionnant la crédibilité de l’enquête : « Même la déclaration complète du procureur est intéressante : Ils reconnaissent que si les circonstances de la découverte du corps peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un crime, de nombreux autres éléments permettent de penser qu’il aurait mis fin à ses jours. » Il pointe du doigt la lettre retrouvée : « La lettre, on ne sait pas quel est le contenu.
Je rappelle que dans la police, quand quelqu’un se suicide et que la lettre met en cause la police nationale, elle n’est surtout pas divulguée, y compris à la famille.
Ou alors on met des morceaux tronqués. » Cette opacité alimente les soupçons : et si cette lettre révélait des dysfonctionnements internes, une surcharge de travail ou des découvertes gênantes liées à une enquête en cours ? Langlois suggère une piste : « l’apparence que ça peut donner : ça ressemble à une exécution. » Travaillant sur des affaires nationales impliquant le narcotrafic dans le Sud de la France, le policier pourrait avoir dérangé des intérêts puissants. « Il travaillait sur une enquête de stupéfiants et sur des réseaux avec des gens pas très sympathiques ».
Cette précipitation à classer l’affaire en suicide – le 16e dans la police en 2025 – semble une stratégie maladroite pour étouffer des questions embarrassantes. Langlois critique vertement : « le procureur temporise en disant ‘On va enquêter pour savoir ce qu’il s’est passé, on exclut aucune piste, laissez la police faire son travail, on vous informera dès qu’on aura des nouvelles.’ Là non, c’est directement un suicide alors que non ! c’est un modus operandi classique de narcotraficants ». Cette communication « stupide » ne fait que décrédibiliser les institutions, transformant un drame en scandale public.
Le désarroi insupportable des familles : une vérité tronquée qui aggrave la souffrance
Au-delà de l’invraisemblance, cette thèse officielle inflige une souffrance supplémentaire à la famille du défunt. Imaginez le choc : apprendre que votre proche, un policier dévoué, s’est infligé une mort aussi atroce, ligoté et noyé, alors que tout pointe vers un crime. Langlois évoque ce calvaire : « Sa famille doit savoir la vérité et les gens devraient savoir également la vérité. » Les familles des policiers suicidés sont souvent laissées dans le flou, avec des lettres censurées ou des enquêtes expédiées sous le tampon « problèmes personnels ». Ici, l’opacité est exacerbée : pourquoi ne pas divulguer le contenu de la lettre pour apaiser les doutes ? Cette approche bureaucratique, qui priorise peut-être la protection d’enquêtes ou d’institutions, abandonne les proches à un deuil hanté par l’incertitude. Le défunt laisse derrière lui une famille dévastée, confrontée non seulement à la perte, mais à une version officielle qui insulte leur intelligence et prolonge leur tourment. C’est une double violence : celle de la mort, et celle du mensonge institutionnel.
Une justice qui perd toute crédibilité, un appel à la transparence
Cette affaire n’est pas un suicide isolé, mais un symptôme d’un système judiciaire et policier en déliquescence, où la vérité est sacrifiée sur l’autel de la commodité. Tant que les procureurs privilégieront des explications ridicules pour clore des dossiers sensibles, la défiance grandira, alimentant théories et colères légitimes. Il est urgent d’exiger une enquête indépendante, loin des influences internes, pour honorer la mémoire du policier et soulager sa famille. Sinon, cette « mise en scène macabre » ne fera que confirmer que, dans la France d’aujourd’hui, la justice protège plus les secrets que les citoyens.
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