En marge de la COP30 au Brésil, Emmanuel Macron a opéré un virage spectaculaire sur l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, qualifiant le traité de « plutôt positif » après l’obtention de clauses de sauvegarde renforcées pour protéger certains produits agricoles en cas de hausse des importations ou de chute des prix. Ce revirement, perçu comme un « reniement total » par la FNSEA, le principal syndicat agricole français, a provoqué une onde de choc dans le monde rural, déjà fragilisé par une multitude de crises.
Un accord controversé aux enjeux colossaux
L’accord UE-Mercosur, négocié depuis plus de deux décennies et signé fin 2024, vise à créer une vaste zone de libre-échange entre l’Europe et les pays d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay).
Il promet d’éliminer les droits de douane sur une large gamme de produits, favorisant les exportations européennes de voitures, machines et vins, tout en facilitant l’entrée de viande bovine, volaille, sucre et miel sud-américains.
Pour les partisans, comme l’Allemagne et l’Espagne, c’est une opportunité économique majeure, avec des économies estimées à plus de 4 milliards d’euros en tarifs douaniers pour les entreprises européennes.
Mais pour les agriculteurs français, c’est une menace existentielle. Les normes environnementales et sanitaires moins strictes en Amérique du Sud créent une distorsion de concurrence déloyale. « Faire respecter en dehors de l’Europe ce que l’on exige de nos producteurs en Europe est une condition incontournable » , martèle Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, qui dénonce un « affront » prononcé au cœur du territoire des concurrents agricoles. Les clauses de sauvegarde, bien que renforcées, sont jugées insuffisantes par les syndicats, qui estiment qu’elles ne protègeront pas les filières animales et végétales d’une inondation de produits bon marché.
Ce traité s’inscrit dans un contexte de pressions diplomatiques intenses. Lors d’une visite d’État en juin 2025, le président brésilien Lula da Silva a publiquement exhorté Macron à ouvrir son cœur au Mercosur, liant l’accord à une réponse contre le protectionnisme mondial, notamment face au retour de Trump.
Lula, qui a assumé la présidence tournante du Mercosur en juillet, a insisté sur le fait que la décision relève de l’UE, non des États individuels, soulignant la perte de souveraineté nationale.
Macron, initialement hésitant, semble avoir cédé, au grand dam des agriculteurs qui se sentent sacrifiés sur l’autel d’une mondialisation sans règles.
L’UE impose son rythme, malgré les fractures internes
La Commission européenne, sous l’égide d’Ursula von der Leyen, pousse activement pour la ratification de l’accord, malgré des contradictions flagrantes au sein de l’UE. Des déclarations conflictuelles entre hauts représentants – comme Kaja Kallas affirmant un consensus au Conseil européen d’octobre 2025, contredite par António Costa – révèlent une centralisation du pouvoir à Bruxelles, au détriment des États membres. La France, prudente, et l’Autriche, opposée, peinent à former une minorité de blocage. Cette opacité décisionnelle est dénoncée comme une dérive autoritaire, où les intérêts nationaux, comme la protection de l’agriculture française, sont balayés au profit d’une vision supranationale.
Le processus de ratification, lancé par la Commission, appelle les eurodéputés français à faire bloc contre cet accord, comme l’exhorte la FNSEA. Mais les divisions européennes compliquent la tâche : tandis que la Pologne se sent trahie, des pays comme l’Allemagne pressent pour une signature rapide d’ici décembre 2025.
Des agriculteurs assaillis de toutes parts
Ce revirement sur le Mercosur n’est que la pointe de l’iceberg pour les agriculteurs français, confrontés à une situation dramatique en 2025. Touchés par une précarité économique croissante, ils subissent une vague de suicides alarmante : un agriculteur se suicide tous les deux jours, avec une surmortalité marquée chez les éleveurs bovins. La Mutualité sociale agricole (MSA) confirme un risque suicidaire élevé, aggravé par la pauvreté, l’isolement et des normes environnementales strictes qui alourdissent les coûts de production.
S’ajoutent des accords commerciaux cumulatifs. L’élargissement des contingents tarifaires avec l’Ukraine, validé en octobre 2025, augmente les quotas à droits nuls pour le sucre (de 20.000 à 100.000 tonnes), le poulet (de 90.000 à 120.000 tonnes) et les œufs (de 6.000 à 18.000 tonnes). Ces importations à bas prix inondent le marché européen, exacerbant la concurrence déloyale. L’Ukraine s’engage à aligner ses normes sur celles de l’UE, mais les agriculteurs français doutent de l’efficacité de ces promesses, surtout en temps de guerre.
À cela s’ajoute l’épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) bovine, détectée en juin 2025 en Savoie et régions limitrophes, entraînant des abattages massifs et une détresse psychologique profonde. La gestion autoritaire de cette crise, sans alternatives comme la vaccination, a provoqué des mobilisations. Globalement, la balance commerciale agricole française s’effondre : l’excédent n’atteint plus que 1,2 milliard d’euros en année glissante, une chute historique.
Plus de deux tiers des agriculteurs estiment que le niveau de vie en France a diminué ces douze derniers mois, selon un baromètre récent. Les projections pour 2050 sont alarmantes : une France de plus en plus dépendante des importations, avec une diminution des effectifs agricoles.
Les accords comme le Mercosur et l’Ukraine menacent la souveraineté alimentaire, désertifiant les campagnes et polluant les assiettes.
Mobilisations et appels à la résistance
Les réactions sont unanimes et virulentes. La FNSEA promet d’être « combative » avec le soutien des Français, appelant à refuser un accord qui braderait le modèle agricole. La Coordination Rurale, autre syndicat, dénonce un « jeu de dupe » prévisible, réclamant une « exception agriculturelle » et accusant Macron de sacrifier l’agriculture française pour plaire au Brésil. Des manifestations nationales sont annoncées, comme en octobre 2024, où les tracteurs ont envahi Paris contre le Mercosur.
Sur les réseaux, les critiques fusent : « Macron est un traître », « La FNSEA est cocue », avec des appels au Frexit pour retrouver la souveraineté. Près de 80 % des agriculteurs voient le Mercosur comme une menace, selon un sondage récent.
Vers une rupture définitive ?
Ce revirement de Macron, perçu comme une trahison, pourrait marquer une rupture irréparable avec le monde agricole. Alors que la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, avait réaffirmé l’opposition française, les clauses de sauvegarde ne suffisent pas à apaiser les craintes. Les agriculteurs, assiégés par les crises internes et les accords internationaux, appellent à une mobilisation massive pour défendre leur survie et la souveraineté alimentaire de la France. Sans un blocage ferme, l’agriculture française risque de payer le prix fort d’une Europe qui priorise le commerce sur la protection de ses producteurs.


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