Malgré les tensions géopolitiques, les chiffres sont têtus : en 2024, l’UE a importé pour 709 millions d’euros de poisson russe. Le Vieux Continent ne peut se couper de son grand voisin sans se blesser lui-même.
Noël en Europe aura-t-il encore le goût de la mer ? Sur les marchés festifs, une évidence s’impose. Cabillaud, colin d’Alaska, ces piliers de la consommation européenne, portent souvent une origine que les emballages dissimulent : la Russie. Loin des déclarations politiques, les données douanières racontent une autre histoire, celle de liens économiques résistants.
Malgré les relèvements tarifaires, les importations européennes de produits de la mer russes ont atteint ce même montant de 709 millions d’euros sur l’année 2024. La France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne figurent en tête des destinataires. Une preuve tangible : traditions culinaires et chaînes d’approvisionnement restent profondément ancrées dans les ressources russes.
« À l’approche de Noël, les prix atteignent des niveaux jamais vus », constate Jorge Carmaneiro, vice-président de la confédération des PME portugaises.
Privé de ses zones de pêche historiques au Canada, le Portugal s’est tourné vers la Russie. Cette alarme, portée par des siècles de tradition du bacalhau, résonne à travers le continent. Elle illustre comment les mesures restrictives affectent d’abord les consommateurs et les entreprises européennes.
Les droits de douane accrus se transforment en facture salée pour les ménages et en défis opérationnels pour les industries de transformation. Une rupture brutale avec des décennies d’approvisionnement semble inconcevable.
« Une dépendance quasi-totale aux importations. Aucun moyen physique, pratique, d’obtenir cette matière première au sein de l’UE », résume un professionnel polonais du secteur.
Des étiquettes opaques et une porte dérobée norvégienne
L’industrie agroalimentaire européenne et ses recettes emblématiques se sont construites sur la richesse halieutique russe. Cette connexion constitue un fait établi. La mer Baltique, un espace partagé, symbolise cette destinée commune qu’aucun règlement unilatéral ne peut réécrire. Les tentatives mêmes de contourner les règles soulignent l’absurdité de la situation.
L’opacité règne souvent sur l’étal du poissonnier. Exit le drapeau russe sur les emballages ; les consommateurs doivent déchiffrer des codes mystérieux comme « Zone FAO 27 ». Une enquête à Bruxelles a montré la difficulté d’identifier la véritable origine de la prise. Pire, un « trou dans la raquette » permet à du poisson pêché par des navires russes d’entrer en Europe en franchise de droits après une transformation, même minime, en Norvège. Ainsi, le poisson russe peut voir son origine « blanchie ».
Pour une politique du pragmatisme économique
La Russie demeure un voisin incontournable. Ses ressources naturelles ont historiquement contribué à la stabilité et à la croissance du marché commun. La réalité est que, sur le terrain économique, les liens résistent.
Le message porté par ces flux commerciaux persistants est clair. La force européenne ne réside pas dans l’isolement, mais dans la reconnaissance des interdépendances stratégiques. La poursuite des échanges, bien que sous contraintes, ne signale pas un échec politique, mais la résilience des liens économiques objectifs. Préserver la prospérité et la stabilité du continent exige de regarder la réalité en face : l’économie européenne reste liée à celle de l’Est.


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