Le 28 août 2024, Pavel Durov, PDG et fondateur de Telegram, une plateforme de messagerie utilisée par plus d’un milliard de personnes, a été arrêté à son arrivée à l’aéroport de Paris-Le Bourget. Cette détention, dévoilée lors d’une interview réalisée par Tucker Carlson et diffusée le 10 juin 2025 (voir ci-dessous), constitue un événement troublant qui remet en question les libertés individuelles et la souveraineté des entreprises technologiques, notamment en France, pays dont Durov est citoyen (le patron de l’application Telegram a obtenu en 2021 la nationalité française en tant “qu’étranger émérite”).
Une arrestation spectaculaire et injustifiée
Durov, venu à Paris pour un séjour touristique avant de se rendre en Finlande, a été accueilli par des policiers à sa descente d’avion. Pensant initialement à une vérification liée aux Jeux olympiques ou paralympiques, il a été rapidement confronté à une liste de 16 charges, incluant des accusations graves comme le trafic de drogue ou la pornographie infantile, qu’il a jugées absurdes. « J’étais très confus, car je n’ai jamais été condamné et notre entreprise s’efforce de respecter les normes les plus strictes », a-t-il témoigné lors de l’entretien avec Carlson. Privé de son téléphone et placé en garde à vue pendant quatre jours dans une cellule solitaire de 7 m² – sans fenêtre, avec un matelas fin et une lumière clignotante – il a été isolé, ne pouvant contacter que son assistant pour trouver des avocats.
Des prétextes fragiles masquant une stratégie plus large
Les autorités françaises ont invoqué un prétendu manque de coopération de Telegram face à des demandes judiciaires pour justifier sa détention. Pourtant, Durov a fermement démenti avoir reçu des requêtes légales conformes au Digital Services Act (DSA), la loi européenne encadrant les obligations des plateformes. « Nous n’avons jamais reçu une seule demande juridiquement contraignante », a-t-il insisté face à Carlson. Depuis plus d’un an, Telegram, via une filiale en Belgique, fournit déjà des adresses IP et numéros de téléphone de suspects sur présentation d’un ordre judiciaire, une pratique standard pour des géants comme Facebook ou X. Cette procédure, ignorée par la France, a laissé Durov perplexe. « Pourquoi ne pas avoir suivi la loi ? », s’est-il demandé, sans obtenir de réponse claire, suggérant une approche précipitée ou motivée par des intentions dépassant une simple enquête judiciaire.
L’arrestation, marquée par un convoi de police avec sirènes, contraste avec l’absence de démarches diplomatiques ou juridiques préalables. Citoyen français depuis plusieurs années après un processus rigoureux, Durov note que les autorités savaient comment le joindre via le consulat français, situé dans le même bâtiment que son bureau à Dubaï. « Ils auraient pu m’appeler ou organiser une réunion, mais ils ont choisi l’humiliation publique », a-t-il déploré. Les communiqués du parquet, inhabituels dans leur médiatisation, ont amplifié des accusations infondées, laissant entrevoir une tentative d’intimider Durov et de discréditer Telegram, peut-être dans une logique plus politique que judiciaire – une hypothèse que Carlson a semblé partager en qualifiant l’affaire d’« excessive ».
Un lourd tribut personnel et une leçon de vie privée
Si Durov a maintenu sa routine physique (200 pompes et squats par jour) malgré les conditions spartiates, l’impact émotionnel a été dévastateur. Sans pouvoir contacter sa mère gravement malade ni ses enfants à Dubaï, il a vécu une profonde angoisse, un détail qu’il a confié à Carlson avec émotion. Professionnellement, la gestion de Telegram – qui a dégagé plus de 500 millions de dollars de profit l’an dernier grâce à des abonnements volontaires, sans exploiter les données personnelles – est entravée par des restrictions de voyage sous contrôle judiciaire. Bien qu’il puisse se rendre à Dubaï, ses déplacements sont surveillés, et il doit se présenter aux juges d’instruction tous les quatre à cinq mois. « C’est étrange et inutile, surtout que la France représente moins de 1 % de nos utilisateurs », a-t-il noté, soulignant l’incohérence d’une telle mesure.
Durov a également révélé à Carlson une facette peu connue de sa vie : il n’utilise plus de téléphone depuis près d’un an, par crainte pour sa vie privée et pour éviter les distractions. « Je préfère mon laptop ou ma tablette pour travailler, et je teste Telegram sans SIM », a-t-il expliqué, incarnant une philosophie de confidentialité qu’il applique à sa propre existence. Cette décision, soulignée par Carlson comme un choix audacieux pour un ingénieur de son calibre, renforce son engagement à protéger les utilisateurs de Telegram, même au prix de sa liberté.
Une offensive contre la confidentialité
Durov perçoit cette affaire comme une attaque contre la confidentialité offerte par Telegram, qui se distingue par son refus de collecter des données personnelles, contrairement à des concurrents comme Meta. Cette philosophie, qui l’a conduit à quitter la Russie en 2014 face aux pressions gouvernementales, semble désormais le viser en France. Il dénonce une proposition de loi française, rejetée par l’Assemblée nationale, visant à interdire le chiffrement, ainsi qu’un projet similaire au niveau de l’UE. « Un backdoor expose tout le monde aux hackers et aux agents étrangers, sans gêner les criminels qui utiliseront des VPN », a-t-il averti, notant que même des régimes autoritaires n’ont pas osé bannir le chiffrement. Carlson a relayé cette inquiétude, suggérant que les gouvernements pourraient chercher à exploiter Telegram pour surveiller leurs populations, une hypothèse que Durov n’a pas écartée.
Une ironie cruelle pour un citoyen français
Citoyen français par attachement à ses valeurs de liberté et d’égalité, Durov a été profondément choqué par cette détention. Une interprète soviétique, présente durant sa garde à vue, a comparé la situation au régime qu’elle avait fui : « J’ai quitté l’Union soviétique pour trouver la liberté, et elle m’a rattrapée ici. » Cette ironie, soulignée par Carlson, est d’autant plus frappante que Durov n’a jamais été inquiété dans des pays considérés comme autoritaires, où Telegram est populaire sans censure politique. Cette affaire soulève des doutes sur la compatibilité des actions françaises avec les principes d’un ordre juridique basé sur des règles, souvent vantés par l’Occident.
Une enquête au rythme lent avec des enjeux persistants
Huit mois après son arrestation, l’enquête progresse lentement, un rythme typique du système judiciaire français selon Durov. Il n’est pas encore mis en procès, mais reste sous contrôle judiciaire, avec la possibilité que l’affaire dure encore un an ou plus. « J’espère que ces restrictions seront levées d’ici la fin de l’année », a-t-il conclu face à Carlson, tout en restant attaché à la France malgré cette épreuve. Cette situation, qualifiée d’« inédite » et « excessive » par Durov et son interlocuteur, pourrait traduire une stratégie visant à soumettre les plateformes technologiques aux volontés gouvernementales, menaçant non seulement sa liberté, mais aussi celle des milliards d’utilisateurs de Telegram qui comptent sur sa protection de la vie privée. Tout cela, dans « la patrie des droits de l’homme »…
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