Donald Trump a proclamé le 2 avril 2025 son « Jour de Libération », une déclaration d’indépendance économique marquée par des tarifs douaniers dits « réciproques ». Ce programme, visant à corriger les déséquilibres commerciaux des États-Unis, divise les experts sur ses impacts mondiaux.
Une formule tarifaire simpliste
Ces droits de douane, improprement nommés « réciproques », cherchent à réduire les déficits commerciaux. L’équipe de Trump a utilisé une équation simple : le déficit commercial avec chaque pays divisé par les importations de ce pays. Résultat : une taxe de 10 % sur toutes les importations dès le 5 avril, et des taux plus élevés (54 % pour la Chine) à partir du 9 avril. Les marchés ont plongé, le dollar chutant face à l’euro (-2 %, pire baisse en 10 ans), au yen et au rouble, mais se renforçant face au yuan.
Une stratégie inspirée d’un certain Miran
Ce plan s’aligne sur le guide de Stephen Miran (A User’s Guide to Restructuring the Global Trading System, novembre 2024). Miran propose une dévaluation volontaire du dollar pour relancer l’industrie américaine, s’appuyant sur le célèbre paradoxe de Triffin, bien connu des économistes : un pays à monnaie de réserve mondiale doit maintenir un déficit commercial pour fournir des dollars, au détriment de son industrie. Les tarifs visent à rééquilibrer les échanges tout en préservant le statut du dollar, en incitant les partenaires à investir aux États-Unis.
Un équilibre risqué
Miran voit ces tarifs comme une première étape pour négocier des « Accords de Mar-a-Lago », où les pays « amis » aideraient à dévaluer le dollar, tandis que les « adversaires » dévaluant leur monnaie subiraient des contre-effets. Mais des risques émergent : une ruée vers des alternatives au dollar (or, cryptomonnaies) et une instabilité économique mondiale, avec un risque de récession (JP Morgan : 60 %).
Une industrie américaine en déclin
Relancer l’industrie américaine est un défi. En 1973, les États-Unis produisaient 111,4 millions de tonnes d’acier avec 650 000 employés ; aujourd’hui, 79,5 millions avec 142 000 employés. Depuis 2000, le secteur a perdu 5 millions d’emplois, malgré une population en hausse de 60 millions. La culture consumériste décourage les jeunes générations de travailler dans l’industrie.
Un néo-féodalisme économique ?
Trump semble imposer un néo-féodalisme, où les États « vassaux » paieraient pour réduire leurs tarifs. Il envisage aussi de remplacer l’IRS par un External Revenue Service, financé par les tarifs, bien que des experts doutent de sa viabilité face aux dépenses fédérales (défense : 1 000 milliards de dollars).
Une exception russe révélatrice
La Russie échappe aux tarifs, officiellement en raison d’un commerce limité par les sanctions. Pourtant, le commerce bilatéral atteint 3,5 milliards de dollars en 2024, plus qu’avec Maurice (tarif de 40 %). La visite de Kirill Dmitriev, émissaire de Poutine, à Washington le 4 avril, suggère un rapprochement russo-américain.
Un tournant ou un échec ?
Trump joue gros : relancer l’économie américaine face à la Chine, qui propose un ordre mondial alternatif. Mais avec une industrie affaiblie et des marchés instables, cette « révolution » pourrait n’être qu’un coup de com’ ou bien, si Trump gagne son pari, cela pourrait être un véritable tournant géopolitique qui remettrait en cause la domination de la finance hors sol. Car c’est bien là l’enjeu. A suivre…
Laisser un commentaire