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Dans une récente intervention sur TV Libertés, le sociologue et professeur émérite à la Sorbonne, Michel Maffesoli, membre de l’Institut universitaire de France, a présenté la réédition de son ouvrage L’Ordre des choses (voir ici). À travers une réflexion dense et provocatrice, Maffesoli propose une lecture cyclique de l’histoire, s’opposant au linéarisme progressiste qui a dominé la pensée moderne. Voici une synthèse de son analyse, qui explore la fin de l’époque moderne, le retour des lois naturelles et l’émergence d’une société postmoderne marquée par un réenchantement du monde.
La fin de l’époque moderne : un cycle qui s’achève
Pour Maffesoli, l’histoire n’est pas linéaire, mais cyclique. Depuis les années 1970, il défend l’idée que les époques, qu’il qualifie de « parenthèses » d’environ trois à quatre siècles, s’ouvrent et se ferment. L’époque moderne, initiée au XVIIe siècle avec Descartes, consolidée par la philosophie des Lumières au XVIIIe siècle, et systématisée par les grands systèmes sociaux (hégélianisme, marxisme) au XIXe siècle, touche à sa fin. Cette période, caractérisée par le « trépied » de l’individualisme, du rationalisme et du progressisme, a façonné les institutions modernes. Cependant, Maffesoli observe que ces valeurs sont aujourd’hui dépassées, entraînant un décalage profond entre les élites politico-médiatiques, encore ancrées dans ces principes, et une société en quête de nouvelles aspirations.
Nous vivons, selon lui, une période « crépusculaire », une transition entre deux époques où l’ancien s’efface et le nouveau peine encore à se dessiner. Ce moment d’incertitude, qu’il qualifie d’« entre-deux époques », est marqué par une perte de repères et une montée de l’immatériel, du spirituel et du communautaire, en opposition à l’individualisme dominant.
Le retour des lois naturelles et l’acceptation de l’animalité
Maffesoli évoque un retour des « lois naturelles », qu’il associe à une reconnaissance de l’aspect animal de l’homme. Citant Heidegger, il argue que l’acceptation de cette animalité permet d’éviter la bestialité, c’est-à-dire les excès de violence non ritualisée. Les sociétés équilibrées, selon lui, savent canaliser cette énergie vitale par des rituels, une forme d’« homéopathisation » du sauvage. À l’inverse, la modernité, avec son hygiénisme et son rejet de cette animalité, a conduit à une forme de bestialité, visible dans les dérives sociales ou dans des événements comme la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, qu’il qualifie de « caricature ».
Cette cérémonie, marquée par une représentation controversée de Dionysos et des scènes jugées orgiaques, illustre pour Maffesoli la fin grotesque de l’époque moderne. Loin de l’orgiasme sacré, porteur d’émotions collectives et de transcendance, cette mise en scène reflète une vision réductrice et « woke » des valeurs modernes, universalisation caricaturale des particularismes (genre, sexualité, etc.). Pour lui, cet événement symbolise la décadence d’une élite déconnectée, incapable de saisir les aspirations profondes du peuple.
Le mal-être occidental : au-delà de l’économie
Contrairement à la focalisation des discours politiques sur le pouvoir d’achat et l’inflation, Maffesoli soutient que le mal-être occidental n’est pas principalement économique, mais psychique et spirituel. Reprenant une formule de Charles Péguy, « tout commence en mystique et s’achève en politique », il affirme que la politique, aujourd’hui épuisée, cède la place à un retour du mystique et de l’immatériel. Les jeunes générations, en particulier, se détachent des valeurs matérialistes du XIXe siècle pour rechercher du « plus-être » : une quête de sens, de beauté et de sacré.
Ce retour du sacré, qu’il explore dans ses ouvrages comme La Nostalgie du sacré, s’oppose à l’individualisme et au « droits-de-l’hommisme » modernes. Maffesoli cite Simone Weil et son ouvrage L’Enracinement pour souligner l’importance des devoirs, par opposition aux droits, dans une société en quête de réenracinement. Ce retour à la tradition, qu’il qualifie d’« enracinement dynamique », repose sur une reconnection avec les obligations communautaires et spirituelles, loin du progressisme destructeur qui a marqué la modernité.
Le réenchantement du monde et la faillite des élites
Maffesoli observe un décalage croissant entre une élite politico-médiatique, encore attachée à un rationalisme désincarné, et un « sens commun » porté par la société officieuse, notamment la « France périphérique » et les jeunes générations. Ces dernières, selon lui, incarnent un réenchantement du monde, une aspiration à une socialité authentique fondée sur la tradition, la communauté et le sacré. Les médias traditionnels, subventionnés et déconnectés, ne représentent plus qu’une minorité face à l’essor des réseaux sociaux et d’une presse alternative, où s’exprime ce désir de renouveau.
Il critique également le « wokisme », qu’il compare à un « golem » échappant à son créateur, une caricature des idéaux des Lumières portée par une mentalité marxisante obsédée par le matériel et l’économie. À l’inverse, il prône une pensée de « désobstruction », inspirée de Heidegger et Foucault, qui ne cherche pas à déconstruire mais à ouvrir des chemins nouveaux en s’appuyant sur la tradition. Pour Maffesoli, le prophète n’est pas celui qui construit un avenir utopique, mais celui qui « se souvient de l’avenir », enraciné dans un passé vivant.
Une autorité enracinée dans la tradition
Face au chaos actuel, Maffesoli appelle à une acceptation de la transcendance et de l’autorité, non pas comme une contrainte oppressive, mais comme une force qui « fait croître », selon la définition de Saint-Thomas d’Aquin. Cette autorité, ancrée dans la tradition, s’oppose à l’égalitarisme moderne et repose sur une hiérarchie naturelle, incarnée par des figures comme l’autorité familiale ou ancestrale. Citant Joseph de Maistre, il rappelle que l’enracinement dans la tradition française, depuis le baptême de Clovis, est une source de force et de sens.
Enfin, Maffesoli évoque une pensée ésotérique, non pas comme un savoir fermé, mais comme une réflexion profonde et initiatique, capable de diffuser des idées généreuses. Cette mystique, illustrée par des figures comme Saint-Bernard, est pour lui essentielle à la construction d’un nouvel ordre, qui émerge du chaos actuel, comme le suggère la formule ésotérique Ordo ab Chao (« l’ordre naît du chaos »).
Vers une socialité authentique
Dans L’Ordre des choses, Michel Maffesoli invite à reconnaître la fin d’une époque et l’émergence d’une société postmoderne, marquée par le retour du sacré, de la communauté et de la tradition. Face à une élite en décalage, il appelle à écouter « l’herbe qui pousse », ce mouvement souterrain porté par les jeunes générations et la société officieuse. Ce réenchantement du monde, loin des caricatures modernistes, repose sur un enracinement dynamique et une nourriture spirituelle, symbolisée par le « pain suprasubstantiel » de l’Évangile de Matthieu. Un ouvrage à retrouver sur la boutique de TV Libertés, pour une plongée dans une pensée provocatrice et visionnaire.
Cet article synthétise les idées clés de l’intervention de Michel Maffesoli, tout en respectant la structure et le ton de son discours. Si vous souhaitez approfondir un point précis ou ajuster le style, n’hésitez pas à me le préciser !
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