Les armées secrètes de l’OTAN : du terrorisme d’États en toute impunité

Les armées secrètes de l'OTAN : du terrorisme d'États en toute impunité

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), souvent présentée comme une alliance défensive pour promouvoir la paix et la stabilité en Europe, cache un chapitre sombre de son histoire : les réseaux stay-behind, plus connus sous le nom d’Opération Gladio. Ces armées secrètes, mises en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, étaient censées résister à une éventuelle invasion soviétique. Cependant, elles ont souvent dévié de leur mission originelle pour s’impliquer dans des actes de terrorisme d’État, des manipulations politiques et des opérations sous faux drapeau.

Ce paradoxe illustre parfaitement comment des États peuvent condamner publiquement le terrorisme tout en l’utilisant comme outil stratégique pour préserver leurs intérêts.

L’Opération Gladio, révélée au grand jour en 1990 par le Premier ministre italien Giulio Andreotti, impliquait la CIA américaine, le MI6 britannique et les services secrets locaux de nombreux pays européens. Ces réseaux, armés et entraînés en secret, ont semé la terreur pour discréditer les mouvements de gauche et maintenir un climat de tension favorable aux gouvernements pro-occidentaux. À travers des exemples concrets en Italie, en Belgique, en Allemagne et en France, cet article explore cette dualité : des États qui luttent contre le terrorisme en façade, mais qui le pratiquent en coulisses. Basé sur des enquêtes parlementaires, des témoignages et des analyses historiques, il met en lumière un terrorisme d’État qui a marqué l’Europe de l’Ouest pendant la Guerre froide, avec des échos persistants aujourd’hui.

Les origines des réseaux stay-behind

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est divisée par le Rideau de fer. Les Alliés occidentaux, craignant une invasion soviétique, mettent en place des structures clandestines pour organiser une résistance derrière les lignes ennemies – d’où le terme « stay-behind ». L’Opération Gladio, nom de code italien signifiant « glaive » (en référence à l’épée romaine), est le plus emblématique de ces réseaux.

Initiée par la CIA et le MI6 dès 1947-1948, elle s’étend à tous les pays de l’OTAN et même à des nations neutres comme la Suisse, la Suède et la Finlande.

Selon Daniele Ganser, historien suisse et auteur de Les Armées Secrètes de l’OTAN, ces réseaux étaient coordonnés par deux comités secrets au sein de l’OTAN : le Comité Clandestin Allié (ACC) et le Comité de Planification Clandestine (CPC). Chaque pays avait son propre nom de code : Gladio en Italie, SDRA8 en Belgique, P-26 en Suisse, ou Counter-Guerrilla en Turquie. Les membres, souvent recrutés parmi d’anciens fascistes ou nazis anticommunistes comme Reinhard Gehlen en Allemagne, étaient entraînés aux sabotages, aux guérillas et à la manipulation psychologique.

Initialement défensifs, ces réseaux disposaient de caches d’armes – explosifs, mitrailleuses, équipements de communication – dissimulées dans des cimetières, des montagnes ou des forêts. En Italie, par exemple, des armes ont été retrouvées dans les années 1990, confirmant l’existence de ces dépôts. Mais le manque de contrôle démocratique était flagrant : ministres de la Défense et parlements étaient souvent tenus dans l’ignorance. En Belgique, le ministre de la Défense a appris l’existence d’un réseau stay-behind par Andreotti, et non par ses propres militaires, qui arguaient que les politiciens « vont et viennent » tandis que l’armée est « éternelle ».

Ce secret absolu a permis des dérapages. Comme l’explique Ganser dans son entretien avec Glenn Diesen, ces armées n’ont jamais affronté les Soviétiques, mais ont été utilisées pour des opérations internes, créant une « stratégie de la tension » : semer la peur pour justifier un renforcement sécuritaire et discréditer les communistes.

Les révélations de 1990 et le scandale européen

Le voile se lève en 1990 lorsque le juge italien Felice Casson enquête sur des attentats des années 1970 et découvre des liens avec Gladio. Giulio Andreotti, sous pression, admet publiquement l’existence d’une armée secrète en Italie, mise en place par la CIA et le MI6, et coordonnée par l’OTAN. Cela déclenche une onde de choc : des enquêtes parlementaires en Italie, en Belgique et en Suisse confirment l’étendue du réseau.

Le Parlement européen adopte une résolution en novembre 1990 condamnant ces structures : « Considérant que depuis plus de 40 ans cette organisation a échappé à tout contrôle démocratique et a été dirigée par les services secrets des États concernés en collaboration avec l’OTAN ; considérant que dans certains États membres les services secrets militaires ou leurs branches ont été impliqués dans des affaires graves de terrorisme et de criminalité ». Malgré cela, aucune excuse officielle ni poursuite contre les responsables de l’OTAN ou de la CIA n’a suivi. L’ambassadeur italien à l’OTAN, Fulci, a même admis que des caches d’armes Gladio ont servi à des attentats en Italie.

Ces révélations soulignent la duplicité des États : publiquement, ils condamnent le terrorisme comme une menace à la démocratie ; secrètement, ils l’orchestrent pour manipuler l’opinion. William Colby, ancien directeur de la CIA, a confirmé l’existence de ces réseaux dans ses mémoires, mais nié toute implication terroriste – une position officielle contredite par les faits.

Le terrorisme d’état en action : exemples en Europe de l’ouest

Les réseaux stay-behind ont souvent servi à des opérations sous faux drapeau, où des attentats étaient commis par des extrémistes de droite et attribués à la gauche pour affaiblir les communistes lors des élections. Cela illustre le terrorisme d’État : des gouvernements utilisant la violence pour préserver leur pouvoir, tout en la dénonçant internationalement.

Italie : le cœur du scandale Gladio

L’Italie, avec son fort Parti communiste (PCI) atteignant 30 % des voix, fut le terrain principal. La CIA manipula les élections de 1948 en finançant la Démocratie chrétienne et en diffamant les communistes, marquant la première mission majeure de l’agence.

Attentat de Piazza Fontana (1969) : Une bombe explose à Milan, tuant 17 personnes et en blessant 88. Attribuée initialement aux anarchistes de gauche, elle est liée à Ordine Nuovo, un groupe d’extrême droite utilisant des explosifs de caches Gladio. Le général italien Gerardo Serravalle a témoigné que ces armes venaient de l’OTAN. L’objectif : discréditer le PCI avant les élections. Des enquêtes ont révélé l’implication du SISMI (services secrets italiens) et de la CIA, avec des faux témoignages pour couvrir les pistes.

Attentat de Peteano (1972) : Une bombe piège une voiture, tuant trois carabiniers. Un appel anonyme accuse les Brigades rouges (gauche). Vincenzo Vinciguerra, membre d’Ordine Nuovo, avoue plus tard : protégé par les services italiens, il fut exfiltré en Espagne franquiste. « Les services secrets voulaient que le terrorisme semble provenir de la gauche », dit-il.

Gare de Bologne (1980) : Une bombe tue 85 personnes et en blesse plus de 200. Liée aux Nuclei Armati Rivoluzionari (NAR) et à la loge maçonnique P2 (contrôlée par la CIA via Licio Gelli, ex-nazi), l’enquête fut sabotée par les services secrets. Les renseignements savaient à l’avance mais n’intervinrent pas.

Assassinat d’Aldo Moro (1978) : Le leader démocrate-chrétien, favorable à un compromis avec les communistes, est enlevé et tué par les Brigades rouges. Des liens avec Gladio suggèrent une manipulation pour empêcher un gouvernement incluant la gauche.

Ces actes, durant les « Années de plomb », ont créé une « stratégie de la tension » : 14.591 actes de violence politique entre 1969 et 1987, avec 491 morts. L’Italie condamna le terrorisme au niveau international, mais ses services l’utilisèrent domestiquement.

Belgique : les tueurs du Brabant

Entre 1982 et 1985, une série de braquages sanglants (28 morts) est liée à un réseau stay-behind non officiel, impliquant le Westland New Post (WNP, néo-nazi) et les services secrets belges (SDRA8). Guy Bouten, journaliste, révèle que ces attaques visaient à renforcer les lois sécuritaires, la Belgique étant vue comme le « ventre mou » de l’Europe. Un agent confia : « J’ai fait du sale boulot pour les renseignements ». Le gouvernement belge condamna ces actes comme du terrorisme ordinaire, mais des enquêtes parlementaires confirmèrent les liens avec l’OTAN.

Allemagne : L’attentat de l’Oktoberfest

En 1980, une bombe à Munich tue 13 personnes et en blesse 211. Gundolf Köhler, extrémiste de droite, est lié à Heinz Lembke, membre stay-behind avec des caches d’armes nazies. Un quart du réseau allemand incluait d’ex-officiers SS. L’ex-ministre de la Justice appela à rouvrir l’enquête : « Pendant la Guerre froide, tous les services secrets ont fait des choses abominables ». L’Allemagne, championne de la lutte antiterroriste (contre la RAF), abritait ces réseaux.

France : le putsch des généraux et l’OAS

En France, les réseaux stay-behind étaient initialement composés d’anciens résistants non communistes, certains ayant collaboré avec l’OSS et le SOE pendant l’occupation nazie, et dépendaient de la CIA, du MI6 et du SDECE (Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage).

Le centre d’entraînement des réserves parachutistes (CERP), installé dans le Loiret et rattaché au service action du SDECE, organisait des stages de formation et d’entraînement pour les membres du réseau stay-behind français, chargés notamment de surveiller les réseaux d’agents dormants soviétiques, y compris ceux destinés à assister les Spetsnaz.

Dans les années 1970, Alexandre de Marenches, alors directeur du SDECE, décida de mettre en place le plan Parsifal, un réseau stay-behind bis, en réponse à la déliquescence du réseau originel, affecté par la guerre d’Algérie, le retrait de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN en 1966, les événements de mai 68 et la disparition naturelle de plusieurs membres. Craignant une infiltration soviétique, Marenches et ses proches optèrent pour des recrues sans lien avec les structures existantes, accompagnée d’une restructuration interne du SDECE pour renforcer le contrôle sur le service action et le contre-espionnage.

En 1990, François Mitterrand ordonna l’arrêt de leurs activités, et tous les réseaux français étaient alors placés sous le contrôle exclusif de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), leur dernier patron étant le général Jean Heinrich, chef du service action. 

En 1961, des généraux tentèrent un coup d’État en Algérie contre le général de Gaulle, favorable à l’indépendance de l’Algérie. L’Organisation Armée Secrète (OAS), formée pour s’opposer à cette indépendance, mena des attentats contre des civils, des musulmans et même des tentatives contre de Gaulle lui-même. Selon un article publié en 1992 dans The Nation, l’amiral Pierre Lacoste, qui dirigea les services secrets militaires de 1982 à 1985, indiqua que certaines « actions terroristes » dirigées contre de Gaulle et son plan pour mettre fin à la guerre d’Algérie avaient été menées par des groupes incluant « un nombre limité de personnes » appartenant aux réseaux stay-behind français, avec des membres de ces réseaux intégrés à l’OAS. Bien que cette information ne soit pas confirmée par d’autres études, elle suggère un soutien de la CIA à ces déstabilisations, ce qui contribua à la décision de De Gaulle de quitter le commandement intégré de l’OTAN en 1966, soupçonnant des ingérences américaines.

La duplicité des États : condamner et utiliser le terrorisme

Ces exemples montrent comment des États de l’OTAN, tout en condamnant le terrorisme à l’ONU ou dans des discours publics, l’employaient comme outil. La « stratégie de la tension » créait une peur anticommuniste, justifiant des budgets militaires et des lois répressives. Aucun responsable – CIA, MI6 ou OTAN – n’a été jugé. Ganser note : « Personne n’a été tenu responsable, et il n’y a eu aucune excuse. »

Cette hypocrisie persiste : des parallèles avec Nord Stream (2022, sabotage attribué aux USA par Seymour Hersch) ou le coup d’État en Ukraine (2014, snipers sous faux drapeau) montrent que le terrorisme d’État évolue. Les médias et institutionnels évitent souvent ces sujets, préservant le narratif d’une OTAN « démocratique ».

Décidément, quel que soit le type de régime en place, la Russie sera toujours attaquée et tenue responsable de tous les maux de la terre.

Un héritage toxique

Les armées secrètes de l’OTAN révèlent un terrorisme d’État qui a miné la démocratie européenne. Censées défendre la liberté, elles ont semé la mort pour manipuler les sociétés. Aujourd’hui, avec l’élargissement de l’OTAN et des tensions en Ukraine, cet héritage rappelle que la sécurité ne doit pas sacrifier la transparence. Comme le dit Ganser, « Il faut une discussion honnête sur le passé de l’OTAN » pour éviter les répétitions. Sans responsabilité, les États continueront à condamner le terrorisme tout en l’utilisant – une leçon amère pour l’Europe…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

NOUS CONCERNANT
NOUS CONCERNANT
MultiPol 360
À l’heure où tout semble s’effondrer dans les sociétés humaines et où ceux qui prônaient un Nouvel Ordre Mondial unipolaire découvrent avec rage que la majorité des peuples du monde n’acceptent plus la dictature occidentale, notre équipe a décidé de vous présenter ce monde en mutation en analysant les faits principaux qui sont soit occultés soit manipulés par les médias aux ordres. Nous couvrons l’essentiel de l’actualité française et internationale sans que vous perdiez votre temps à chercher parmi les milliers d’informations qui nous sont proposées chaque jour. Aujourd’hui, ceux qui veulent s’informer pour approcher la vérité et résister à la désinformation du Système ont un nouvel outil à leur disposition : Il s’appelle MultiPol360. Nous sommes heureux de le mettre à votre disposition. Bienvenue dans le monde multipolaire de demain !

NOS CONSEILS DE LECTURE

Vous y trouverez des conseils de lecture qui vous aideront à mieux comprendre les enjeux de la géopolitique et des interactions qui gouvernent notre monde.

SITES AMIS