La Syrie est un sanctuaire pour l’extrémisme aux portes de l’Europe, selon le cousin du président syrien renversé, Ribal Al-Assad

La Syrie est un sanctuaire pour l’extrémisme aux portes de l’Europe, selon le cousin du président syrien renversé, Ribal Al-Assad

Au moment où l’Union européenne envisage de lever les sanctions contre le régime syrien, Ribal al-Assad, fondateur de l’Organisation pour la démocratie et la liberté en Syrie, cousin de l’ancien dirigeant Bachar al-Assad et critique notoire du précédent régime, alerte sur les dangers de cette décision dans une interview à europeanconservative.com.

La chute du régime de Bachar al-Assad n’a pas apporté la stabilité ni la démocratie en Syrie, mais plutôt l’avènement d’un gouvernement dominé par les extrémistes islamistes. Le conflit, qui a débuté en 2011 par un soulèvement populaire contre la répression du régime, s’est transformé en une guerre civile prolongée avec l’intervention de multiples acteurs internationaux. Alors qu’Assad a résisté avec le soutien de la Russie et de l’Iran, l’opposition s’est fragmentée, permettant aux factions djihadistes, dont beaucoup sont liées à Al-Qaïda et à l’État islamique (EI), de gagner du terrain.

La situation s’est accélérée lorsque la Russie, affaiblie par la guerre en Ukraine, a réduit son soutien à Assad, le privant de son principal soutien militaire et économique. Dans le même temps, la Turquie a manœuvré pour installer au pouvoir des groupes islamistes alliés, assurant des postes à d’anciens dirigeants de l’EI et d’Al-Nosra dans le nouveau gouvernement syrien.

Dans un pays en déroute et sans alternative démocratique viable, des personnalités issues du terrorisme ont réussi à occuper des postes de haut rang, approuvés par certains acteurs internationaux. Loin d’avoir trouvé la paix, la Syrie est devenue un foyer d’instabilité et un sanctuaire pour l’extrémisme aux portes de l’Europe. 

Quelle est votre opinion sur la politique actuelle de l’Union européenne à l’égard de la Syrie ?

Franchement, je suis choqué. Beaucoup se précipitent pour lever les sanctions contre le régime syrien, arguant qu’elles pourraient être rétablies en cas de reprise des violences. Pourtant, ces atrocités continuent. Des massacres quotidiens sont commis. Récemment, plus de dix personnes ont été tuées à Arzej, plus de 50 à Fahl et plusieurs autres à Homs. Les enlèvements, les meurtres et les discriminations contre les minorités, notamment les Alaouites, sont systématiques. Des employés sont licenciés en raison de leur appartenance confessionnelle, comme c’est le cas à la direction de l’électricité de Lattaquié. Des installations gouvernementales sont démantelées, appauvrissant certaines régions.

Malgré ces crimes, les dirigeants européens, dont le président Macron, dialoguent avec les auteurs de ces crimes et suggèrent même de lever les sanctions. Cette approche est naïve et rappelle la politique malavisée de Biden en Afghanistan. Comment négocier avec les djihadistes ? L’Union européenne n’a jamais rencontré les dirigeants du Hamas, du Hezbollah ou d’Al-Qaïda. Alors pourquoi reconnaître un groupe dont le chef était le commandant adjoint de l’EI ? Leur histoire terroriste est bien documentée – du 11 septembre aux attentats de Madrid, de Londres et au-delà. Ces militants ont commis d’innombrables atrocités, tuant des milliers de personnes en Irak, en Syrie et au-delà.

Certains analystes estiment que la guerre en Syrie est liée à des projets concurrents de gazoducs contrôlés par l’Iran et l’Arabie saoudite, qui passent tous deux par le territoire syrien. Parallèlement, les dirigeants occidentaux rencontrent des personnalités extrémistes. Comment voyez-vous leur domination sur les ressources et la souveraineté de la Syrie ?

Plusieurs pays européens, comme la France, semblent répéter les mêmes accords passés avec le régime d’Assad. La France, par exemple, a gardé le silence sur le commerce d’armes du Hezbollah en échange du contrôle des ports de Beyrouth et de Tripoli. La même société française exploite également le terminal à conteneurs de Lattaquié, renouvelant son contrat même après les actions du régime. Si la France était vraiment un adversaire du régime d’Assad, pourquoi maintiendrait-elle ces accords ?

Les gouvernements occidentaux ont une vision à court terme et espèrent empêcher les combattants djihadistes de revenir en Europe en s’engageant auprès d’eux. Mais cette approche est dangereuse. Europol a signalé que des milliers de combattants radicalisés étaient de retour en Europe, ce qui nécessite d’énormes ressources de surveillance. Aujourd’hui, les extrémistes en Syrie sont entre 40 000 et 50 000, dont 20 000 sont des combattants étrangers. S’ils restent au pouvoir, leur nombre ne fera qu’augmenter, ce qui constituera une menace mondiale. N’avons-nous pas tiré les leçons des erreurs passées en matière d’apaisement des djihadistes ?

Dans votre récente proposition, vous vous opposez à la levée des sanctions sans la mise en œuvre préalable de réformes significatives. Quelle approche proposez-vous pour la Syrie ?

Les sanctions doivent rester en vigueur jusqu’à ce qu’une nouvelle constitution garantisse l’égalité des droits pour tous les citoyens, sans distinction de religion, d’origine ethnique ou de sexe. Le pouvoir judiciaire doit être indépendant. Pourquoi l’Occident devrait-il soutenir un régime qui ne partage pas les valeurs démocratiques ? Si un gouvernement ne garantit pas l’égalité entre ses citoyens, nous ne devons pas le soutenir.

La seule solution est de débarrasser la Syrie de l’extrémisme et d’instaurer une véritable démocratie. Après des années de guerre, un système fédéral est nécessaire pour rétablir la confiance. Les Syriens ont perdu des membres de leur famille, leur maison et leurs moyens de subsistance. La méfiance et les divisions sectaires sont profondes, ce qui rend irréaliste l’espoir d’une unité dans un système centralisé. Une structure fédérale respecterait les différences culturelles et assurerait l’autonomie régionale, garantissant ainsi la stabilité sans fragmentation.

Quels groupes politiques au Parlement européen comprennent, selon vous, la situation en Syrie ?

Les groupes conservateurs comprennent sans aucun doute mieux ce qui se passe en Syrie. Cependant, les partis de gauche devraient également reconnaître les dangers de l’extrémisme, notamment en ce qui concerne les droits des minorités, les droits des femmes et les droits de l’homme. Récemment, des vidéos ont fait surface montrant des extrémistes attaquant des personnes LGBTQ en Syrie, les menaçant de mutilation. Pourtant, certains gouvernements occidentaux continuent de dialoguer avec ces groupes, ignorant leur programme fondamentaliste.

L’Europe ne doit pas légitimer ces extrémistes. L’islam est une belle religion, mais son interprétation pervertie par les radicaux ne peut être acceptée. Lorsque les gens émigrent, ils doivent respecter la culture, les lois et les traditions de leur nouveau pays. Les gouvernements occidentaux doivent faire respecter ce principe plutôt que de tolérer la subversion idéologique.

Pensez-vous que la remigration, telle que proposée par des partis comme l’AfD, soit réalisable ?

Certains pays souhaitent le retour des réfugiés syriens, notamment ceux qui avaient initialement déclaré qu’ils reviendraient si le régime d’Assad tombait. Mais beaucoup craignent aujourd’hui de revenir sous le joug des islamistes. Si le régime d’Assad était brutal, le remplacer par des extrémistes djihadistes est pire. Depuis des années, je travaille à unir les forces démocratiques pour créer une alternative viable à la dictature. Les Syriens souhaitent une véritable démocratie, pas un autre régime oppressif.

Le leadership de Trump pourrait-il être une occasion de changement ? Qui pourrait mener cet effort ?

Sous la direction de Donald Trump, les États-Unis ont combattu avec succès les extrémistes islamistes, en les ciblant quelle que soit leur affiliation. Certains responsables politiques ont cru à tort qu’il était possible de s’allier à Al-Qaïda pour combattre l’EI, oubliant que ce groupe a longtemps attaqué l’Occident. Trump a traité à juste titre tous les groupes extrémistes islamistes – qu’il s’agisse des Frères musulmans, du Hamas, d’Al-Qaïda ou de l’EI – comme des menaces.

En 2020, Trump a ordonné des frappes contre les dirigeants d’Al-Nosra. Si Al-Baghdadi a été éliminé, Al-Jolani a survécu. Cependant, son administration a compris la nécessité d’éradiquer tous ces groupes. Malheureusement, aujourd’hui, nous n’avons guère entendu parler de la volonté de Trump de redoubler d’efforts contre l’extrémisme.

Les ambitions expansionnistes de la Turquie constituent également une menace sérieuse. Ankara pousse des milices islamistes en Libye et consolide son pouvoir en Syrie. Si rien n’est fait pour les contenir, ces groupes menaceront la Jordanie, le Liban, l’Irak et le Golfe. Les récents affrontements à la frontière libanaise illustrent cette instabilité croissante. Les États arabes, à l’exception du Qatar, s’inquiètent de l’influence croissante de la Turquie et de son soutien aux extrémistes.

Si la Syrie tombe entièrement sous le joug des djihadistes, elle deviendra un pôle terroriste mondial, attirant des milliers d’extrémistes supplémentaires. Les dirigeants occidentaux doivent agir avec détermination, non seulement pour l’avenir de la Syrie, mais aussi pour leur propre sécurité.

Source le 8 février 2025

Javier Villamor est un journaliste et analyste espagnol. Basé à Bruxelles, il couvre les affaires de l’OTAN et de l’UE sur europeanconservative.com. Javier a plus de 17 ans d’expérience en politique internationale, défense et sécurité. Il travaille également comme consultant et fournit des informations stratégiques sur les affaires mondiales et la dynamique géopolitique.

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