Dans un contexte de tensions croissantes avec le Venezuela, l’annonce de la retraite anticipée de l’amiral Alvin Holsey, commandant du U.S. Southern Command (SOUTHCOM), a secoué les cercles militaires et politiques américains. Nommé en novembre 2024 comme le premier Afro-Américain à diriger cette branche responsable des opérations en Amérique latine et dans les Caraïbes, Alvin Holsey a déclaré sur X qu’il quitterait la Navy le 12 décembre 2025, après 37 ans de service. Cette décision, survenue moins d’un an après sa prise de poste et deux jours après une nouvelle frappe sur un bateau suspecté de trafic de drogue dans la mer des Caraïbes, n’est pas anodine.
Elle révèle des fissures profondes au sein du leadership militaire sous l’administration Trump, où la loyauté semble primer sur l’éthique et la légalité.
Le contexte des frappes controversées : une guerre anti-drogue sans limites ?
Les opérations menées par le SOUTHCOM sous Holsey s’inscrivent dans une escalade agressive de la politique étrangère américaine envers le Venezuela. Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, les États-Unis ont intensifié les frappes contre des navires présumés transporter de la drogue, souvent qualifiés de « bateaux de narcotrafiquants » sans preuves publiques irréfutables. Au moins cinq attaques mortelles ont été recensées récemment, tuant plus de 27 personnes, dont certaines opérations célébrées publiquement par Trump lui-même. Ces frappes, impliquant des bombardements aériens et des forces spéciales, visent officiellement à contrer le « narcoterrorisme » vénézuélien, mais des voix critiques, y compris le ministre vénézuélien de la Défense Vladimir Padrino, affirment que les États-Unis savent pertinemment que ces bateaux ne sont pas impliqués dans le trafic.
Cette campagne, masquée par une rhétorique sur la sécurité nationale et l’interdiction des stupéfiants, manque cruellement de retenue et de transparence. Des sources anonymes au Pentagone et au Congrès évoquent des tensions internes, avec des opérations qui frôlent l’illégalité internationale, risquant des vies innocentes et exacerbant les relations avec Caracas. Trump a même déclaré que les États-Unis ont « la mer sous contrôle », laissant planer la menace d’attaques terrestres contre le régime de Nicolás Maduro. Dans ce climat, la démission de Holsey apparaît comme une protestation muette contre une stratégie qui privilégie l’agression à la diplomatie.
Les raisons cachées : un conflit éthique avec le secrétaire à la défense
Bien que le communiqué officiel présente cette sortie comme une « retraite honorable », des rapports indiquent que l’Amiral Holsey a exprimé des réserves sérieuses sur la légalité et l’étendue des attaques. Selon le New York Times, l’amiral a soulevé des préoccupations sur la mission, craignant des violations des principes constitutionnels qu’il a juré de défendre. Des frictions avec le secrétaire à la Défense Pete Hegseth, connu pour son style autoritaire, auraient précipité ce départ, deux ans plus tôt que prévu.
Cette position éthique est saluée par certains comme un « acte courageux », rappelant les rares moments où des officiers supérieurs osent défier l’autorité. Sur X, des commentateurs soulignent que Alvin Holsey, en se retirant, évite de compromettre son intégrité face à des ordres potentiellement illégaux. Cependant, cette démission pose une question troublante : pourquoi un officier de son calibre choisit-il la retraite plutôt que la résistance interne ? En quittant le terrain, il laisse le champ libre à des leaders plus complaisants, prêts à exécuter sans questionner.
Implications pour le leadership militaire : une purge sous couvert de réformes ?
La sortie de Holsey s’inscrit dans une vague plus large de départs au sein de l’armée américaine. Plus d’une douzaine d’officiers supérieurs, dont plusieurs personnes de couleur et des femmes, ont été évincés ou ont démissionné sous Hegseth, incluant le général Charles Q. Brown Jr., l’amiral Lisa Franchetti et d’autres figures clés. Des critiques y voient une purge discriminatoire, masquée par des éloges publics, qui érode la dissidence au profit d’une loyauté inconditionnelle à Trump.
Ce phénomène soulève des inquiétudes sur la santé des institutions démocratiques. L’armée, pilier de la république, ne peut se permettre de perdre ses voix modératrices. Lorsque des dissidents éthiques comme Holsey se retirent, ils cèdent la place à des exécutants zélés, renforçant les pulsions autoritaires de l’exécutif.
Une politique étrangère instable : les risques d’une approche sans freins
La démission de Holsey met en lumière l’instabilité de la politique étrangère trumpienne. Sous couvert de lutte contre la drogue, ces opérations clandestines – incluant des actions de la CIA au Venezuela – frisent l’interventionnisme pur et simple, sans mandat clair du Congrès ni preuves solides. Des médias comme The Guardian et Reuters soulignent les craintes d’une confrontation ouverte avec Maduro, qui pourrait déstabiliser la région entière.
Cette approche semble manquer de subtilité : elle priorise la force brute sur la coopération internationale, risquant d’isoler les États-Unis et d’alimenter des accusations de néo-impérialisme.
Des sources vénézuéliennes et latino-américaines, comme TeleSur, dénoncent ces frappes comme des agressions contre des civils, sans vérification indépendante.
Trump, en célébrant ces « victoires », ignore les coûts humains et éthiques, perpétuant un cycle de violence qui pourrait escalader en conflit plus large. De plus, derrière la rhétorique anti-drogue, la présence massive de pétrole au Venezuela :
le pays détenant les plus grandes réserves prouvées au monde, estimées à plus de 300 milliards de barils
apparaît comme une motivation sous-jacente pour ces interventions. Trump, un commercial avant tout, a historiquement vu le Venezuela comme une opportunité économique : ses sanctions passées sur PDVSA (Petróleos de Venezuela, S.A.) et les récentes autorisations CIA visent non seulement à affaiblir Maduro, mais aussi à ouvrir l’accès préférentiel aux ressources pétrolières pour les compagnies américaines, comme Chevron, tout en contrecarrant l’influence chinoise sur ces marchés.
Maduro lui-même a offert des concessions sur le pétrole et d’autres ressources pour apaiser Trump, soulignant que ces actions géopolitiques masquent souvent des intérêts commerciaux purs.
De la retraite à la résistance ?
La démission de l’amiral Holsey n’est pas seulement un acte personnel de conscience ; c’est un symptôme d’une crise plus profonde au sein de l’appareil d’État américain. Admirable sur le plan éthique, elle interroge toutefois l’efficacité de la retraite face à l’autoritarisme rampant. Ce que cette ère exige, ce n’est pas le retrait, mais une résistance active de l’intérieur – de la part de généraux, journalistes et citoyens. Sans cela, les institutions risquent de se plier définitivement à la volonté d’un seul homme, compromettant les principes fondateurs de la démocratie. Holsey a tenu la ligne ; à d’autres de la défendre.
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