La Moldavie, petit pays coincé entre la Roumanie et l’Ukraine, se retrouve une nouvelle fois sous les feux des projecteurs internationaux. Située aux confins de l’Europe de l’Est, elle est devenue un terrain de confrontation entre influences occidentales et russes, avec des implications qui dépassent largement ses frontières. Aujourd’hui, le 27 août 2025, jour de la fête de l’indépendance moldave, trois dirigeants européens – le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz et le Premier ministre polonais Donald Tusk – se rendent à Chisinau pour une visite qui soulève de vives interrogations sur les ingérences électorales et les stratégies atlantistes.
Un déplacement sous le signe de la « sécurité » et de l’anti-ingérence russe
Cette visite intervient à un moment critique : à un mois seulement du premier tour des élections législatives moldaves, prévu le 28 septembre 2025. Officiellement, les trois leaders se rendent en Moldavie pour célébrer la fête de l’indépendance et soutenir la « sécurité » du pays face à ce qu’ils qualifient d’ingérences russes dans la campagne électorale.
Ils prévoient de tenir un meeting public sur la place de l’Assemblée nationale, où ils appuieront ouvertement le parti de la présidente Maia Sandu et encourageront les Moldaves à « bien voter ».
Cette initiative est présentée comme une mesure pour contrer les manipulations supposées venues de Moscou, qui viseraient à déstabiliser le processus démocratique.
Pourtant, ce geste est perçu par de nombreux observateurs comme une forme d’ingérence flagrante de la part de l’Occident. Si des dirigeants russes comme Vladimir Poutine se rendaient dans un pays européen pour influencer un scrutin, cela déclencherait une hystérie médiatique et des sanctions immédiates. Ici, les trois figures pro-européennes – Macron, Merz et Tusk – semblent bénéficier d’une immunité morale, se positionnant comme les défenseurs du « camp du bien ». Cette dualité met en lumière une asymétrie dans la perception des ingérences : ce qui est condamné chez l’un est justifié chez l’autre.
Le double discours d’Emmanuel Macron : Accusations contre la Russie et ingérence personnelle
Emmanuel Macron incarne particulièrement ce double discours. D’un côté, il multiplie les accusations contre la Russie pour des tentatives de déstabilisation et de guerre informationnelle. En mars 2025, lors d’une visite de Maia Sandu à Paris, il a publiquement dénoncé des « tentatives flagrantes de déstabilisation » russes en Moldavie, affirmant que Moscou cherchait à affaiblir le pays par des manipulations électorales et des campagnes de désinformation. Plus récemment, en août 2025, il a convoqué un conseil de défense dédié à la « guerre informationnelle », visant à contrer les manipulations de l’information et les ingérences de puissances étrangères comme la Russie et la Chine. Ce conseil, prévu pour le 10 septembre 2025, est présenté comme une réponse à des menaces extérieures qui mettraient en péril la souveraineté française et européenne.
Ces déclarations s’inscrivent dans une rhétorique plus large où Macron positionne la France comme un rempart contre les interférences étrangères, notamment dans le contexte des élections européennes et des tensions en Ukraine. Il a souvent évoqué des campagnes de désinformation russes amplifiant les mécontentements internes, comme lors des manifestations agricoles ou des mouvements sociaux en France, les qualifiant de tentatives de déstabilisation orchestrées depuis l’extérieur. Des mesures comme la loi de 2018 contre les « fake news » ou les pressions sur les plateformes numériques pour modérer les contenus « déstabilisants » illustrent cette approche offensive contre ce qu’il perçoit comme une guerre hybride menée par Moscou.
D’un autre côté, Macron n’hésite pas à s’ingérer directement dans les affaires d’autres pays. Sa visite en Moldavie, aux côtés de Merz et Tusk, vise explicitement à soutenir Maia Sandu et son parti pro-européen à la veille des élections, en appelant les électeurs à voter dans le sens de l’intégration européenne. Cette action est critiquée comme une ingérence électorale flagrante, d’autant plus que la Moldavie accuse déjà la Russie d’activités similaires. Des observateurs soulignent l’hypocrisie : alors que Macron dénonce les ingérences russes pour masquer des échecs internes en France – comme les réformes impopulaires ou les crises sociales – il exporte son influence politique à l’étranger, transformant la Moldavie en un terrain d’expérimentation atlantiste. Cette dérive est vue comme une tentative de censurer les voix dissidentes sous couvert de sécurité nationale, tout en imposant un alignement pro-OTAN dans les pays voisins de la Russie.
Le contexte historique : Une stratégie d’encerclement de la Russie
Pour comprendre ces événements, il faut replonger dans le contexte géopolitique plus large. La Moldavie n’est pas un cas isolé ; elle s’inscrit dans une stratégie occidentale visant à encercler et affaiblir la Russie. Selon des analyses stratégiques, cette approche remonte à des penseurs comme Zbigniew Brzezinski, qui dans son ouvrage Le Grand Échiquier (1997), exposait un plan pour dominer l’Eurasie en empêchant toute alliance entre la Russie, l’Europe et la Chine. Brzezinski préconisait de priver la Russie de ses zones tampons – comme l’Ukraine, le Caucase et l’Asie centrale – et d’encourager des séparatismes internes pour la fragmenter en entités plus petites et contrôlables.
Historiquement, l’hostilité occidentale envers la Russie transcende les régimes : qu’il s’agisse de l’empire tsariste, de l’URSS communiste ou de la fédération actuelle sous Vladimir Poutine, la Russie est vue comme un rival en raison de son vaste territoire, de ses ressources immenses (gaz, pétrole, métaux rares, potentiel agricole) et de son refus de se soumettre à une hégémonie unipolaire. Des conflits comme la guerre de Crimée, les interventions étrangères pendant la Révolution bolchevique ou la Guerre froide illustrent cette continuité.
Aujourd’hui, cela se manifeste par des sanctions économiques, des expansions de l’OTAN et des efforts pour déstabiliser les États voisins de la Russie.
La Moldavie, voisine de la Roumanie (membre de l’OTAN) et de l’Ukraine, est particulièrement vulnérable. Elle partage des liens historiques, culturels et économiques avec la Russie, mais fait face à des pressions croissantes pour s’aligner sur l’Occident. Des tensions internes, comme celles en Gagaouzie (région autonome pro-russe) ou en Transnistrie, sont exacerbées par ces dynamiques extérieures.

Des précédents électoraux troubles en Europe de l’Est
Cette visite n’est pas sans rappeler des épisodes récents en Roumanie et en Moldavie elle-même. En Roumanie, des élections présidentielles ont été marquées par des manipulations pour favoriser des candidats pro-OTAN, avec des constructions de bases militaires massives en vue. Des observateurs ont dénoncé des tricheries et des ingérences étrangères, notamment pour sécuriser des positions stratégiques face à la Russie. En Moldavie, des scrutins passés ont été contestés, avec des allégations de fraudes pour imposer des gouvernements alignés sur Bruxelles et Washington. L’opposant moldave Ilan Shor a critiqué la transformation du pays en « avant-poste de l’OTAN » sous couvert d’intégration européenne, avec des livraisons d’armes massives (600 millions de dollars) alors que la population s’appauvrit.
Emmanuel Macron, en particulier, a multiplié les initiatives dans la région. En 2022 et 2023, il s’est rendu en Moldavie pour réaffirmer le soutien à sa souveraineté face à la Russie, tout en reconnaissant que le pays n’aspire pas à rejoindre l’OTAN – du moins officiellement. En mars 2025, il a accusé Moscou de tentatives de déstabilisation flagrantes contre la Moldavie. Ces déclarations s’inscrivent dans une rhétorique plus large où l’OTAN est présenté comme un cadre de solidarité, tout en étendant ses frontières – comme avec l’adhésion récente de la Finlande, qui allonge la ligne de contact avec la Russie.
Les implications pour l’Europe et au-delà
Cette stratégie d’encerclement inclut d’autres pays : l’Ukraine (en guerre proxy depuis 2014, armée par l’OTAN), les États baltes avec leurs discours russophobes, la Pologne, la Géorgie et l’Azerbaïdjan (soutenu dans ses offensives au Karabakh pour affaiblir l’influence russe). L’objectif ultime ? Tester les limites russes, isoler Moscou et contrôler ses ressources. Mais cette approche risque d’escalader les tensions, transformant la Moldavie en un nouveau champ de bataille potentiel.
Les critiques abondent : des voix en France et ailleurs accusent ces leaders de ruiner leurs propres pays tout en s’ingérant ailleurs. Des commentateurs soulignent l’hypocrisie : pendant que Paris fait face à des crises internes, Macron priorise des aventures étrangères. D’autres avertissent que la Moldavie pourrait devenir une base arrière pour l’OTAN dans un conflit élargi contre la Russie.
Cette visite illustre les fractures profondes de l’Europe de l’Est. Tandis que l’Occident pousse pour une intégration atlantiste, la Russie résiste, et la Moldavie paie le prix d’une géopolitique impitoyable. Les élections à venir seront un test décisif : voteront-ils pour la souveraineté ou pour l’alignement ? L’avenir de la région en dépend.
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