Depuis son entrée en fonction en janvier 2025, Donald Trump a hérité d’un conflit ukrainien qu’il avait promis de résoudre rapidement, vantant sa capacité à mettre fin à la guerre en « 24 heures » pendant sa campagne. Cependant, plusieurs mois après cette déclaration ambitieuse, non seulement la guerre persiste, mais elle s’intensifie, avec des frappes ukrainiennes sur Moscou et des contre-attaques russes qui continuent de détruire le complexe militaro-industriel de Kiev. L’administration Trump, incapable de formuler une vision stratégique cohérente, a contribué à l’enlisement du conflit, révélant les limites de sa diplomatie et exposant les contradictions internes de la politique étrangère américaine.
Un retrait diplomatique qui trahit l’absence de stratégie
Le 1 mai 2025, la porte-parole du département d’État, Tammy Bruce, a annoncé que les États-Unis ne joueraient plus le rôle de médiateur dans les négociations entre l’Ukraine et la Russie, laissant les deux parties « présenter et développer des idées concrètes » pour mettre fin au conflit. Ce retrait, rapporté par des médias comme The New York Times et Euronews, marque un tournant après des mois d’efforts diplomatiques infructueux. Trump avait initialement reconnu que le conflit était une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie, excluant dans un premier temps l’Europe et l’Ukraine des négociations directes. Cette approche, bien que controversée, avait une logique : un règlement durable nécessitait un accord entre les deux principales puissances impliquées.
Mais cette stratégie a rapidement vacillé. En se repositionnant comme un médiateur neutre tout en continuant à soutenir militairement l’Ukraine – avec des approbations récentes comme le redéploiement d’un système Patriot depuis Israël vers l’Ukraine le 4 mai 2025 (The New York Times) et un contrat de 300 millions de dollars pour les F-16 –, l’administration Trump a perdu toute crédibilité en tant que médiateur impartial. On ne peut pas armer une partie tout en prétendant arbitrer le conflit. Ce double jeu a non seulement sapé les négociations, mais aussi exacerbé les tensions, comme en témoignent les frappes ukrainiennes sur Moscou les 6 et 7 mai, qui ont perturbé les aéroports russes à la veille des célébrations du Jour de la Victoire.
Une incompréhension profonde des enjeux géopolitiques
L’échec de Trump repose sur une mauvaise compréhension des objectifs russes. Moscou ne perçoit pas la guerre en Ukraine comme un simple différend territorial, mais comme une riposte à l’agressivité de l’OTAN et de son proxy ukrainien et une opportunité de redéfinir l’ordre sécuritaire mondial. Avant même le début du conflit, la Russie exigeait une nouvelle architecture de sécurité européenne, s’inspirant des accords d’Helsinki, avec des limites claires à l’expansion de l’OTAN et une reconnaissance des sphères d’influence. Pour le Kremlin, l’objectif est de formaliser un monde multipolaire où l’hégémonie occidentale est remplacée par un équilibre entre grandes puissances, notamment avec la Chine. Cette vision, bien que contestée par l’Occident collectif, est cohérente avec les déclarations de Vladimir Poutine, qui a réitéré lors d’une interview à TASS en avril 2025 que tout accord devait inclure des garanties contre l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
Trump, en revanche, a abordé les négociations avec une vision étroite, centrée sur un cessez-le-feu immédiat et la reconnaissance des gains territoriaux russes, comme la Crimée. Cette approche a été critiquée par Joe Biden, qui, dans une interview à ABC News le 7 mai 2025 repris par CNN, a qualifié la diplomatie de Trump de politique « d’apaisement moderne » vis-à-vis de la Russie. En insistant sur une trêve préalable – une proposition que la Russie a toujours rejetée, préférant un accord global avant toute cessation des hostilités – et en acceptant des idées européennes comme le déploiement de forces de maintien de la paix, Trump a ignoré les lignes rouges russes, percevant ces initiatives comme des provocations plutôt que des mesures de confiance.
Les contradictions internes de l’administration Trump
L’échec diplomatique de Trump est également le fruit de contradictions internes. Malgré sa rhétorique « America First », l’administration reste influencée par l’establishment sécuritaire américain, hostile à tout compromis avec la Russie. Les figures de proue de l’administration Trump envoyées pour négocier manquent d’expérience diplomatique pour gérer un conflit aussi complexe allant jusqu’à menacer de se retirer des pourparlers si des « propositions concrètes » n’étaient pas présentées, une posture qui a précipité le retrait américain des négociations.
De plus, Trump a sous-estimé les pressions domestiques. Les républicains au Congrès, comme le sénateur Lindsey Graham, ont poussé pour de nouvelles sanctions contre la Russie (Kyiv Independent, 1 mai 2025), tandis que les faucons au sein de l’administration ont freiné toute tentative de réduire le soutien militaire à l’Ukraine. Ce soutien, bien que tiède – les 50 millions de dollars d’armes approuvés récemment sont une goutte d’eau face aux besoins ukrainiens – empêche Trump de se désengager totalement, le plaçant dans une position intenable : ni artisan de la paix, ni chef de guerre assumé.
Les obstacles politiques en Ukraine et en Europe
Du côté ukrainien et européen, les incitations à prolonger le conflit sont également fortes. Volodymyr Zelensky, confronté à des risques politiques et personnels en cas de paix, a rejeté le cessez-le-feu de trois jours proposé par Poutine pour le Jour de la Victoire, exigeant une trêve de 30 jours (The New-York Times, 3 mai 2025). Pour lui, céder des territoires comme la Crimée, comme l’a suggéré Trump (The Atlantic, 23 avril 2025), serait un suicide politique, exposant son régime à des représailles internes et à une perte de légitimité.
En Europe, la guerre a servi de justification à des politiques autoritaires et à une centralisation accrue, comme l’augmentation des budgets militaires et les restrictions économiques liées aux sanctions. Un accord reconnaissant les gains russes serait perçu comme une capitulation, renforçant les partis d’opposition populistes. L’Europe, bien que favorable à une trêve de 30 jours (The Independent, 9 mai 2025), reste divisée sur les termes d’un accord, rendant toute avancée diplomatique improbable sans une pression extérieure massive – une pression que Trump n’a pas exercée.
Un conflit voué à perdurer
Faute de vision stratégique, la guerre en Ukraine risque de s’éterniser. La Russie, forte de ses avancées territoriales – comme la reprise de Sudzha dans la région de Koursk (Jerusalem Post, 15 mars 2025) – n’a aucune incitation à faire des concessions tant que ses objectifs géopolitiques ne sont pas pris en compte. L’Ukraine, soutenue militairement mais pas suffisamment pour inverser la tendance, peut continuer à harceler la Russie avec des drones, comme les récentes attaques sur Moscou, mais sans espoir de victoire décisive. L’Europe, quant à elle, reste dans une posture réactive, incapable de prendre l’initiative face à l’inaction américaine.
Le retrait de Washington des négociations, loin de clarifier la situation, a laissé un vide que ni l’Ukraine ni la Russie ne sont prêtes à combler. Les frappes continues et la méfiance mutuelle entre les parties garantissent un statu quo sanglant. La Russie maintiendra ses opérations, tandis que l’Europe, en réponse, poursuivra son réarmement, alimentant un cycle d’escalade. Ce climat de défiance, où chaque partie craint que tout accord ne soit renversé à l’avenir, rend un règlement durable illusoire.
Un héritage de guerre pour Trump
Donald Trump, en échouant à articuler une stratégie cohérente, a non seulement prolongé la guerre en Ukraine, mais aussi renforcé l’enchevêtrement des États-Unis dans ce conflit. Son retrait des négociations, combiné à un soutien militaire ambivalent, reflète une absence de vision à long terme, dictée par des pressions internes et une incompréhension des dynamiques géopolitiques. La guerre d’Ukraine désormais est devenue autant celle de Trump que de Biden, et elle risque de perdurer, entraînant des coûts humains et économiques croissants, ainsi que des divisions profondes au sein de l’Occident. Sans une remise en question de la doctrine hégémonique américaine – un changement que Trump, malgré sa rhétorique, n’a pas su incarner – la paix restera hors de portée, et les Slaves continueront à mourir pour le plus grand plaisir de ceux qui ont fomenté cette guerre.
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