En mai 2025, le parti souverainiste britannique Reform UK, dirigé par Nigel Farage, a marqué des points significatifs lors des élections locales et partielles en Angleterre. Avec une victoire serrée dans la circonscription de Runcorn et Helsby, deux mairies remportées (Greater Lincolnshire et Hull) et une série de conseils locaux sous son contrôle, Reform UK s’impose comme une force montante, bouleversant le bipartisme traditionnel entre les travaillistes et les conservateurs. Cette percée, qui rappelle les succès des partis souverainistes et populistes à travers l’Europe, pourrait redessiner le paysage politique britannique d’ici les prochaines élections législatives prévues pour 2029.
Une fragmentation politique à l’anglaise
Les résultats des élections locales du 2 mai 2025 confirment une fragmentation croissante du paysage politique britannique, historiquement dominé par le Labour et les Tories. Reform UK, avec 14 % des voix aux législatives de juillet 2024 et désormais cinq sièges au Parlement, s’est imposé comme la troisième force politique en termes de vote populaire. Cette ascension s’inscrit dans un mécontentement généralisé envers les deux grands partis, jugés incapables de répondre aux attentes sur des dossiers comme l’économie, les services publics ou l’immigration irrégulière – un thème central de la campagne de Nigel Farage. Le politologue Anand Menon souligne une « tendance similaire à celle observée en Europe occidentale, où les grands partis perdent des voix » et où la politique devient « très fragmentée ».
Cette dynamique n’est pas sans rappeler l’évolution récente du système politique britannique. En juillet 2024, les travaillistes ont remporté une majorité écrasante avec seulement 33,7 % des voix, tandis que les conservateurs ont subi leur pire défaite historique avec 24 % des suffrages. Reform UK, en captant une partie des électeurs désabusés des deux camps, notamment dans les bastions traditionnels du Labour comme Runcorn, montre une capacité à exploiter les frustrations populaires, à l’instar de ses homologues européens.
Un écho des succès souverainistes en Europe
La montée de Reform UK trouve des parallèles frappants avec les succès des partis souverainistes et populistes en Europe ces dernières années. En Italie, Giorgia Meloni et son parti Fratelli d’Italia, qui a remporté les élections de 2022 avec 26 % des voix, ont su capitaliser sur le rejet des élites et les préoccupations liées à l’immigration et à la souveraineté nationale. Meloni, désormais Première ministre, a consolidé sa position en remportant le plus de voix aux élections européennes de 2024, renforçant l’influence des courants souverainistes au sein de l’UE.
En France, le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen a vu sa part de voix passer d’environ 10 % dans les années 1980 à 44 % lors des élections présidentielles de 2022, devenant un acteur incontournable du second tour à deux reprises. Bien que le RN n’ait pas encore accédé au pouvoir, son influence croissante sur le discours politique, notamment sur l’immigration et la sécurité, témoigne d’une dynamique similaire à celle de Reform UK : une capacité à fédérer les électeurs désillusionnés par les partis traditionnels.
En Allemagne, l’Alternative für Deutschland (AfD) a doublé son score aux élections fédérales de février 2025, atteignant 21 % des voix et devenant la deuxième force politique du pays. Comme Reform UK, l’AfD a su attirer des électeurs de divers horizons, y compris parmi les jeunes – un phénomène nouveau en Europe, où les moins de 24 ans votent de plus en plus pour des partis souverainistes, défiant les tendances historiques qui les voyaient soutenir des partis de gauche.
En Suède, les Démocrates de Suède (SD) ont émergé comme la deuxième force politique lors des élections de 2022, doublant presque leur score par rapport à 2014. Leur discours anti-immigration et leur critique des élites ont résonné dans un pays traditionnellement marqué par le consensus social-démocrate, un peu comme Reform UK perturbe le consensus bipartisan au Royaume-Uni.
Les clés du succès de Reform UK
Plusieurs facteurs expliquent la montée de Reform UK, qui font écho aux succès des partis souverainistes européens. D’abord, le parti a su élargir son discours au-delà de l’immigration, en abordant des sujets comme la crise économique et le délabrement des services publics, qui touchent directement les classes populaires et moyennes. Cette stratégie rappelle celle du RN en France ou de Fratelli d’Italia, qui ont su combiner des thèmes souverainistes avec des préoccupations socio-économiques.
Ensuite, Reform UK bénéficie d’un électorat de plus en plus volatil, prêt à sanctionner les partis traditionnels. Les conservateurs, après 14 ans au pouvoir marqués par des scandales et une gestion économique critiquée, ont perdu leur crédibilité, tandis que le Labour de Keir Starmer, au pouvoir depuis juillet 2024, voit sa popularité s’effondrer en raison de réformes impopulaires, comme la suppression d’aides sociales. Cette désillusion, que l’on retrouve dans des pays comme la France ou l’Allemagne, crée un terrain fertile pour des partis protestataires comme Reform UK.
Enfin, Nigel Farage, figure charismatique et vétéran du Brexit, joue un rôle clé. Sa capacité à mobiliser les électeurs, notamment dans les régions post-industrielles historiquement acquises au Labour, rappelle le leadership de figures comme Giorgia Meloni ou Marine Le Pen, qui ont su incarner une alternative aux élites perçues comme déconnectées. Farage, qui se félicite d’avoir « coulé » les conservateurs, ambitionne de faire de Reform UK le principal challenger du Labour d’ici 2029, un objectif qui n’est pas irréaliste au vu des tendances actuelles.
Les défis à venir
Malgré ces succès, Reform UK fait face à des défis similaires à ceux rencontrés par ses homologues européens. Le système électoral britannique, basé sur le scrutin majoritaire à un tour, favorise les grands partis et limite la traduction des votes en sièges. En 2024, Reform UK a obtenu 14 % des voix mais seulement 5 sièges, contre 72 pour les libéraux-démocrates avec un score similaire. Ce handicap structurel est moins marqué en Europe continentale, où des systèmes proportionnels, comme en Italie ou en Suède, permettent aux partis souverainistes de convertir leurs voix en une représentation significative.
De plus, Reform UK doit encore prouver sa capacité à gouverner. Les mairies et conseils locaux qu’il contrôle depuis mai 2025 seront un test crucial pour démontrer sa crédibilité, comme l’ont fait les Démocrates de Suède ou Fratelli d’Italia avant d’accéder au pouvoir national. Enfin, le parti devra gérer ses tensions internes et éviter les scandales qui ont jadis miné ses prédécesseurs, comme l’UKIP, un défi que des partis comme l’AfD ou le RN ont également dû relever.
Vers un bouleversement politique en 2029 ?
Si Reform UK maintient sa dynamique, les élections de 2029 pourraient marquer un tournant historique au Royaume-Uni, à l’image des bouleversements observés en Europe. Les partis souverainistes et populistes, portés par un rejet des élites et une demande de souveraineté nationale, continuent de redessiner les paysages politiques nationaux. En Italie, en France, en Allemagne ou en Suède, ils ont su transformer des frustrations populaires en victoires électorales. Au Royaume-Uni, Reform UK semble suivre une trajectoire similaire, portée par un électorat désabusé et un leader charismatique. Reste à savoir si le parti saura surmonter les obstacles structurels et s’imposer comme une alternative durable, ou si, comme d’autres avant lui, il restera une force protestataire sans accès réel au pouvoir. Une chose est sûre : le bipartisme britannique, comme les grands partis traditionnels en Europe, vacille face à la vague souverainiste.
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